Deuxième épisode de notre bibliothèque contemporaine de l’imaginaire. Ce mois-ci, Davy Athuil nous parle d’un livre de Pierre Bordage. Un livre qui démontre que le cloisonnement des genres littéraires est une absurdité.
Quand on vous dit que les littératures de l’imaginaire sont des littératures comme les autres, ce ne sont pas que des paroles en l’air. Ainsi, nombre d’auteurs ont déjà passé les lignes poreuses des genres. Pierre Bordage vient de le faire aussi. Son dernier roman est un petit bijou de littérature blanche.
C’est l’histoire de Paul, Blaise, Éloïse, Charlène et Grégoire, Martine ou Jacques, et finalement de tous ceux que l’addiction au jeu rassemble autour de la roulette des casinos, ici de la côte atlantique. C’est l’histoire de ce défi répété à la face du destin où chaque fois on rejoue sa vie, une manière, pour peu qu’on s’y penche, de mieux s’explorer. C’est l’histoire de la souffrance humaine, qu’on croit un temps dissipée par le vertige du jeu.
Une fois n’est pas coutume. Tout sur le zéro est un roman psychologique contemporain sur l’addiction aux jeux dans les casinos. Que vient-il donc faire dans la bibliothèque de l’imaginaire alors ? La réponse est simple : Pierre Bordage. Ce nom est synonyme de science-fiction. D’œuvres épiques aux confins de l’espace toujours teintées d’un humanisme caractéristique de son écriture. Il a été comparé à Verne, Féval et est sans doute l’un des meilleurs écrivains de sa génération.
Pourtant, Pierre Bordage sait s’aventurer dans des contrées plus lointaines encore. Les nôtres. Celles de nos histoires quotidiennes. De nos doutes et de nos passions interdites. Dans tout sur le zéro, il nous invite à suivre plusieurs personnages. Vivant parce que joueurs. Jouant pour échapper à leurs reflets. Miroitant des sommes astronomiques (on y revient) sans pouvoir les toucher… ou presque pas.
Une force inhumaine dans ce roman
Ce sont ces addictions que Pierre Bordage traite avec une plume déconcertante de simplicité et pourtant si originale. Chaque paragraphe est une phrase à lui tout seul. Les dialogues y sont inscrits sans quadratin, césure ou guillemets. L’auteur, au fil de la lecture, est à nos côtés. Comme un ami qui trop emporté par son récit nous donnerait toute son histoire sans traitements inutiles.
Il y a, indubitablement, une force (in)humaine dans ce roman. Celle de femmes et d’hommes pris dans leurs petits soucis quotidiens et qui ne peuvent s’en extraire que par la fascination du hasard. Une drogue qui nous enterre, petit à petit, et contre laquelle, finalement, on ne peut (presque) rien.
Pierre Bordage nous prend au jeu, nous surprend encore et, finalement, il n’y que ça qui compte.
Crédit photo : Philippe Matsas
Tout sur le zéro, Pierre Bordage, Au Diable Vauvert, 23 euros.