Cet été, Davy Athuil nous avait régalé d’un papier avec les contemporains classiques de l’imaginaire. Nous avons aimé. Vous avez aimé. Aussi, cela devient une rubrique. Mensuelle. Ici, Davy Athuil – éditeur au Peuple de Mü et passionné – dressera une bibliothèque contemporaine de l’imaginaire. Toutes les littératures sont sur Ernest.
Prenez deux « jeunes » auteurs. Ajoutez-y un « jeune » illustrateur. Laissez les mijoter dans une soirée littéraire (ou pas). Saupoudrez d’un peu de Guerre du Feu. Et obtenez un pariétal comme vous ne l’avez jamais vu… ou même lu. Une œuvre conceptuelle à l’orée des genres mais n’oubliant pas de nous questionner.
Un village prospère dont la relique sacrée pourrit. Un chamane vieillissant, qui n’attend plus ni visions ni voyages. Un espoir de sauver son peuple de la malédiction ; un ossuaire mythique, où vont mourir les géants. Pour le trouver, de bien étranges sentiers, à la lisière de la magie et du rêve.
Roadbook initiatique
Habitués, nous le sommes par les quelques fulgurances des Moutons Électriques quand l’éditeur décide de publier sans filet des textes atypiques et résolument modernes. Car oui, il ne suffit pas de parler du dernier train qui passe ou d’écrire une fiction spéculative pour traiter de problématiques sociales. Et c’est là que l’imaginaire prend son sens.
La vieillesse, la mort, le remplacement par de plus jeunes et de plus forts. Tout cela prend corps quand un village proto historique aux rites chamaniques séculaires voit ses reliques protectrices se désagréger. Le vieux chamane, son apprenti et une chasseresse (merci de ne pas avoir choisi UN chasseur) se voient alors contraints de prendre la route pour le cimetière des colosses.
Sur les cadavres des anciens dieux, ils devront conjurer la malédiction qui plane sur leur village. Pourtant, même dans la quête de la survie, les doutes frappent au cœur les plus sages et les emportent au loin. Bétan, Rivero et Ascaride nous emmènent avec eux entre les ténèbres et le sang. Ils nous font participer, bien malgré nous parfois, à ce road book aux allures de quête initiatique.
Ce roman se lit aussi bien qu’il se regarde. Le livre objet a été travaillé avec minutie par les mains agiles de Melchior Ascaride prenant pour inspiration les mots de Julien Bétan et Mathieu Rivero. Le texte se marie à merveille aux œuvres bichromiques nous offrant un plaisir textuel et visuel proche du graphic novel. C’est à la fin, comme toujours, que lettres et symboles prennent un sens, laissant à l’illustrateur le dernier mot, ou plutôt, les dernières images.
Tout au milieu du monde est une alchimie réussie. Un travail symbiotique entre les auteurs et l’illustrateur. Un texte singulier et fort par trois créateurs d’univers à surveiller de près.
Tout au milieu du monde – Julien Bétan, Mathieu Rivero, Melchior Ascaride- Éditions Moutons électriques – 15 euros.