Internet va-t-il tuer la Blanche de Gallimard ? Sous l’impulsion d’Instagram et du e-commerce, les maisons d’édition s’affranchissent de la sobriété graphique à la française et parent leurs couvertures d’effets de matière et de couleurs. Enquête.
Par Elisa Thévenet
[caption id="attachment_15479" align="alignright" width="195"] La première couverture de la Blanche de Gallimard a donné le LA des couvs à la Française. Épurées. Trop ?[/caption]
« Quand on découvre une couverture hideuse, on sait que le livre est condamné. » Patrice Vannier, libraire depuis plus de 30 ans, sélectionne avec soin les ouvrages qu’il expose dans sa boutique nichée dans les Hauts-de-Seine. Chaque année des milliers de titres, en piles ordonnées, se disputent l’attention de ses lecteurs. En 2017, plus de 68 000 nouveaux ouvrages et rééditions ont été commercialisés en France, selon l’Observatoire de l’économie du livre. « Quand vous sortez 15 romans noyés au milieu des 597 de la rentrée littéraire, difficile de se démarquer », observe Mickaël Palvin, directeur marketing d’Albin Michel. Le règne d’Instagram et le développement de la vente en ligne n’aident pas. Alors, les maisons d’édition redoublent de créativité, jouent sur le surfaçage, choisissent des vernis sélectifs, ou ajoutent des bandes et des jaquettes. « Depuis 3 ou 4 ans, il n’y a pas un ouvrage qui sort de nos rotatives sans l’un de ces éléments », explique Rosabelle Cormier, cheffe de fabrication chez Floch, imprimerie spécialisée dans la littérature.
En relief, en carton bouilli, avec un pelliculage velouté ou satiné, les ouvrages s’affranchissent de la tradition française minimaliste qui a fait les belles heures de Gallimard. Lorsqu’en 1911 la maison d’édition publie L’otage de Paul Claudel, elle ignore que la sobriété de sa couverture va forger l’identité graphique des romans français. Un papier crème rehaussé de lettres noires par une typographie Didot, autrefois chasse gardée de l’imprimerie Royale et discrètement encadrées par un filet rouge. « Ce n’est pas un hasard si on la surnomme la Blanche. Ça symbolise la virginité et la sacralité qui entourent ce genre de littérature », analyse Mickaël Palvin.
Le snobisme des couvertures
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