2 min

Tu vas aimer #7 – Valentin Spitz : “Offrir un livre est quelque chose de très sérieux”

Ernest Mag Ticketfelure

Tous les mois, Lisa Vignoli rencontre des auteurs, des artistes, des psychothérapeutes etc… et leur pose une question : “quel est le livre que vous offrez de manière récurrente ?”. Les réponses en disent souvent beaucoup sur la personnalité des interviewés.  Ce mois-ci, Valentin Spitz, psychothérapeute, ancien journaliste et romancier nous parle de la “félûre” et de plein d’autres livres.

SpitzjulietteA 32 ans, Valentin Spitz a déjà eu d’autres vies que la sienne. Ancien journaliste et chroniqueur à la télévision, il est aujourd’hui psychothérapeute. Entre les deux, il a écrit « Juliette de Saint-Tropez », son premier roman, sorti au printemps dernier chez Stock.

“Pour moi c’est quelque chose de très sérieux d’offrir un livre. Je ne sais pas prendre ça à la légère. Ça ne m’arrivera jamais de me dire “tiens je vais passer au relay de la Gare du Nord et lui prendre un top des ventes” ! J’avoue qu’il faut que ce soit compliqué. Pour moi, ce serait comme offrir une consultation de psy. La littérature  est tellement quelque chose qui m’a tenu la tête hors de l’eau, pendant des années que c’est trop important !

Alors, dans l’idée d’un livre pour cadeau, je me dis toujours « Qu’est-ce qui pourrait lui parler? Qu’est-ce qui pourrait l’aider? » Je cherche. Je ne choisis jamais des histoires gratuites. Il faut qu’elles servent !

D’ailleurs, je dis souvent aux libraires que j’aime bien qu’ils sont comme des profs, des prêtres, des rabbins ou des médecins. Ils  orientent les vies. La lecture est quand même le dernier endroit où l’on peut s’enfermer, se créer sa propre vie.

La littérature m’a tenu la tête hors de l’eau

Pour autant, je n’offre jamais de livre de psychanalyse. Les gens le prennent inévitablement de manière personnelle. Offrir “Roman des familles névrosées” de Freud ou “Toutes les mères sont folles” de Claudia Fliess, comporte toujours un message. Derrière un roman, on peut se cacher plus facilement.

Ernest Mag FelureSorti de tout ça, j’aime beaucoup faire découvrir “La fêlure” de Fitzgerald, pour la recherche de sens, la recherche de lui-même du personnage. Je suis capable de l’acheter pour la seule nouvelle qui s’appelle “la fêlure” et dans cette nouvelle, cette seule citation qui dit : « Il faudrait se résoudre à ce que la vie est désespérée. »  J’aime cette idée que les choses sont sans espoir et en même temps qu’on puisse être déterminé à les changer, ce côté désespéré et joyeux.

L’autre livre qui revient assez souvent est « Un peu de soleil dans l’eau froide » de Françoise Sagan. On suit un homme qui fait une dépression et on assiste à la façon dont il va s’en sortir.

Pour viser juste, je crois qu’il faut bien connaître les gens ou avoir une intuition très, très forte. Il m’arrive d’ailleurs de prêter ou conseiller des livres à des patients. C’est un sujet entre nous. Récemment, l’une d’elles me parlait de “Bonjour Tristesse” de Sagan de son identification à Anne. Elle-même était -comme le personnage- très fusionnelle avec son père. Je lui ai dit « Pourquoi ne le reliriez-vous pas en vous glissant dans la peau de Cécile plutôt? » Je crois que ça lui a fait avoir un autre regard sur sa propre vie ! De la même manière, un homme qui était au bout du rouleau me disait vouloir en finir -et dont je sentais heureusement que ce n’était pas le cas- est reparti avec «Je veux quitter le monde » de Douglas Kennedy. Les textes peuvent vraiment aider.Spitz

Et puis, égoïstement, il y a toujours ce moment merveilleux où ces gens-là (amis, patients…) vous en reparlent. Dans une semaine, dans un an, dans vingt ans et c’est merveilleux. Les livres que l’on reçoit sont une trace. On retombe dessus dans les déménagements. On retrouve la date à laquelle on les a lus. On revisite ce qu’on vivait à ce moment-là et c’est parfois troublant.

Tous les “Tu vas aimer” de Lisa Vignoli sont là. Et vous, vous offrez quoi comme livre récurrent ?

Laisser un commentaire