Cet été, notre chroniqueuse Virginie Bégaudeau a décidé de titiller l’imagination des lectrices et des lecteurs. Elle a concocté une sélection qui navigue entre érotisme sensuel, excitation puissante et fantasme. Après les BD coquines le mois dernier, voici l’épisode 2 avec les romans érotiques. Toujours un moment à part que ces lectures !
Petites Alliées – Miss Clary F – éditions D.Leroy
A l’aube de l’armistice de 1918 est publié un bijou d’érotisme. Un texte d’une rareté absolue, devenu introuvable durant des décennies. Est-ce son absence dans nos bibliothèques qui l’a rendu si précieux ? Un roman érotique clandestin en pleine Grande Guerre. C’est en premier lieu un véritable bouleversement littéraire que j’ai trouvé avec « Les Petites Alliées », puis tout ce qui a marqué érotiquement les esprits de l’époque. J’y lis des Allemands féroces, violeurs, mais également une fresque sensuelle et luxurieuse de la libération féminine.
Apprendre l’Histoire en se délectant sensuellement
C’est un texte fort, une curiosité. Une pornographie patriotique en quelque sorte. Dans la trame générale, les femmes, de plusieurs nationalités, stéréotypées en fonction de leur pays d’origine, réconfortent des soldats blessées et leur réconfort devient le don du corps, le don de la jouissance, de leur virginité pour la majorité d’entre elles. Dévouées, j’ai aimé cette soumission à un siècle qui n’existe plus, et cette simplicité entre les échanges d’une sexualité brute et découverte. Je ne suis toutefois pas impressionnée des pratiques mises en avant. Classiques sodomies et clitoris qui bourgeonnent comme au printemps, viols et brutalité qui rappelle la période de guerre que les héros vivent au quotidien. Saphisme lorsque les jeunes fébriles ne trouvent pas l’orgasme dans les bras des hommes qu’elles secourent, je me suis glissée volontiers sous les draps des brancards ou les granges désertées.
Ce sentiment d’être liée à période de notre Histoire, sous couvert d’orgies, d’amour et de jeux luxurieux, m’est cher. J’aime être prise au dépourvue tout en m’immisçant sans pudeur au milieu d’un duo, d’un trio totalement impudique.
Hilda- Anonyme – La Musardine
Est-ce l’anonymat de ce roman qui m’en a fait me délecter ? Hilda, cette jeune femme aux formes renversantes, torturée par les démons de la chair, pourrait être l’une d’entre nous. Je pourrais être cette Hilda sans existence. Initiée aux plaisirs par l’inceste, Hilda déborde de cet appétit sexuel que l’on cache très certainement au fond de nous, au creux de ce bas ventre qui frétille dès lors qu’il découvre ses élucubrations.
Un concentré de luxure à partager sans aucun doute une fois le dernier orgasme atteint
Il y a de la culpabilité ici, une fausse rédemption auprès d’un époux notaire austère. Ce n’est que pour la forme, je l’ai deviné, et le fils de ce mari morose aura tôt fait de percer les vices de sa belle-mère. J’ai été excitée dès son apparition, sa présence me promettant beaucoup. Et il ne percera pas seulement les vices. C’est pervers, habile. Hilda devient un objet utilisé à des fins de plus en plus malséantes. Entre cocufiage jouissif et découvertes de pratiques luxurieuses, les deux amants plongent dans le stupre, m’entraînant avec eux. Je ne les abandonnerais pour rien au monde, trop accaparée par ma propre excitation.
La pornographie se mêle à la qualité du texte. C’est excitant, exactement ce que je recherche dans ce type de roman. Le sens du détail et le réalisme des scènes n’empêchent pas mes fantasmes d’accompagner les turpitudes d’Hilda. Au contraire, ils les intensifient. Je me suis sentie électrisée à mesure que le roman se déroule et je me suis demandé jusqu’où je pourrais aller.
Dépucelage, internat, bons sentiments, apparente pudibonderie, voyeurisme, adultère, d’excellentes bases pour un texte prometteur. Un concentré de luxure à partager sans aucun doute une fois le dernier orgasme atteint.
Récits coquins des plaisirs défendus – Elisabeth Vanasse – J’ai lu
Dans les nouvelles érotiques d’Elisabeth Vanasse, je découvre un audacieux chassé-croisé entre libertinage et sentiments plus « honnêtes ». J’y rencontre un couple qui s’aventure dans un sauna, discernant le plaisir de l’amour à plusieurs. Une banale orgie qui excite les rêveurs et contente les amateurs. Une femme décidée à s’inscrire dans un club particulier, une autre qui charme un voisin de pallier, et bien entendu, le traditionnel duo de jeunes filles qui attise le premier venu.
Au-delà de quelques clichés, plaisant néanmoins, l’écriture est franche. Fine. Pertinente. J’aime la légèreté, la réelle légèreté qui se dégage de ce recueil. Un livre que j’ai emporté pour une après-midi en solitaire, sans hasard ni grande surprise. Mais il est efficace et c’est que j’attendais de lui.
Les histoires s’enchaînent, relativement courtes, à peine le temps d’accompagner les héros et de fondre dans le stupre avec eux. Je me suis laissée convaincre par la douceur de l’œuvre. J’ai tenté d’apprivoiser le rythme soutenu de ces inconnus et compagnons de quelques heures. C’est même ce que je recommande à la lecture de ses nouvelles. Être en osmose avec les héros et pouvoir provoquer son plaisir en même temps que le leur. Je saute des intrigues, j’y reviens, je m’attarde sur celles que j’aime le plus et j’y concentre ma jouissance qui ne tarde plus à venir.
Un joli moment en tête à tête avec soi-même, des textes que l’on conserve comme une tasse de chocolat chaud à l’heure du goûter. Certainement pour les novices en matière d’érotisme, une bonne entrée en matière dans le monde de la littérature pornographique. Facile, accessible et séduisant, il est toutefois tourné vers un public féminin en quête de sensations plus agréables que luxurieuses.
L’été sera chaud épisode 1 : les BD.
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