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Changer la rage en or

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Depuis longtemps, dans ces colonnes et ailleurs, limpide est l’idée que Sorj Chalandon est l’un des écrivains français les plus doués de sa génération. Pour cette rentrée littéraire, une nouvelle confirmation. L’Enragé, le nouveau roman de Sorj Chalandon plonge le lecteur à Belle-Île en août 1934. Les enfants de l’ignoble maison de correction décide de se révolter contre les gardiens et de s’évader. Cinquante-six gamins s’échappent de cette colonie pénitentiaire pour mineurs. Une chasse à l’enfant se met en place dans l’île. Tous les habitants participent. En aidant les forces de l’ordre, ils gagnent une pièce de 20 francs. Même les touristes s’y mettent. Un seul, Jules Bonneau dit la Teigne, parvient à s’en sortir.

L’humanité dans le noir

A partir de ce fait historique, Chalandon trace un roman qui mêle colère froide et humanité. Il narre la traque, la façon dont la Teigne échappe aux chasseurs d’enfants, mais aussi toute la bassesse humaine. Il raconte également comment, parfois, l’humanisme le plus simple et le plus lumineux sort au détour d’un bateau de pêche. Apprendre à faire confiance, c’est cette initiation que va vivre Bonneau avec Ronan, ce pêcheur qui lui tend la main et un filet. Chalandon s’amuse aussi à mettre en scène Jacques Prévert, présent sur l’île et auteur de ce poème magistral sur la traque des enfants de la Colonie pénitentiaire. « Bandit, voyou, voleur, chenapan ». Les mots de Chalandon, comme ceux de Prévert, transforme une rage profonde en or. L’ensemble du roman emporte le lecteur qui une fois happé par l’histoire ne peut plus s’en décoller. L’écriture de Chalandon, toujours à l’os, faite de phrases courtes, est un cri, un appel, et un chant. Aimer son rythme, ses personnages, sa colère autant que sa capacité à faire entrer de la lumière dans le noir. Un roman superbe ! Un grand Chalandon.

“L’enragé”, Sorj Chalandon, Grasset.

Tous les livres du vendredi d’Ernest sont là.

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