“Zie Geist”, c’est ainsi que Nietzsche et d’autres philosophes parlent appellent l’air du temps au sens philosophique du terme, c’est-à-dire un besoin et une lame de fond qui travers à un moment donné toute une société. Dans notre époque, incontestablement, il y a une nouvelle façon d’appréhender les crimes sexuels, les violences faites aux femmes, et une grande libération salutaire et humaniste de la parole. Dans le Zei Geist, il y a aussi une dimension de bataille culturelle qui est portée aussi par toutes les représentations artistiques. Ainsi, alors que vient de sortir “La familia grande” de Camille Kouchner, récit poignant de l’emprise et les crimes commis par un homme sur des enfants, il est aussi bon de se tourner vers la fiction (nous vous en parlions ici). Cela tombe bien, un roman récent “Et pourtant, elle tourne“, de Maïté Laplume chez Robert Laffont vient de sortir. Il est renversant en ce sens que l’outil littéraire et la mise en roman d’une histoire vraie la rend plus universelle encore.
Une écriture solaire
C’est l’histoire de Latzari Luma. Elle a 15 ans. Elle voyage beaucoup puisque son père est chef d’escale dans une compagnie aérienne. En 1986, la famille s’installe à Constantine. La communauté française s’amuse, s’enivre, rit. Tout est joyeux et Latzari aime cette ambiance, elle aime danser. Problème : cette joie n’est qu’un aspect de Latzari. Elle est aussi victime d’une emprise depuis sa plus tendre enfance. Celle de son père. Qu’elle protège, mais qui la détruit. Dans une écriture solaire, intense et forte, Maïté Laplume emporte son lecteur dans une histoire dramatique qui reste pourtant une ode à la vie, à la joie de vivre et au désir qui nous porte et qui peut nous faire sortir des choses les plus sombres. C’est là toute l’utilité de la fiction et du roman réussi : de rendre universelle l’expérience individuelle. Ce premier roman touche au cœur. Il parle de la société. De nos complaisances. Du Zei Geist. Mais il parle aussi d’une femme, portée par un désir de vivre et par la volonté de ne pas se laisser tomber. Puissant.
Maïté Laplume, “Et pourtant, elle tourne”, Robert Laffont.
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