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Rester humains

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Ne pas s’y habituer. Toujours, la révolte et la colère qui augmentent. Des femmes et des enfants majoritairement. Morts en mer. En Méditerranée.
Fidèles au poète, ils voulaient chérir la mer pour agir en hommes libres. Cela les a perdus. Incurie partout. Sur les rives de la Méditerranée. Eux, nous. Ne pas s’y habituer. Hier déjà Aylan. Déjà des plus jamais. Et voilà que cela recommence.
Pour ne pas souffrir, lire de la poésie. Celle des poètes qui ont aimé et craint la mer.

« La mer est plus belle que les cathédrales
(…)
Elle a tous les dons
Terribles et doux.
J’entends ses pardons
Gronder ses courroux…
(…)
Elle a des airs bleus,
Roses, gris et verts…
Plus belle que tous,
Meilleure que nous !

écrit Verlaine. « Je me résume tout le possible de la mer en me disant qu’elle ne cesse de montrer le possible à mes yeux », renchérit Paul Valéry. La mer du possible. Possibilité d’un ailleurs. Possibilité d’un nouveau départ. Possibilité d’une fuite. Possibilité d’un demain.
En vain. Hugo :

Oh ! combien de marins, combien de capitaines
Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines,
Dans ce morne horizon se sont évanouis !
Combien ont disparu, dure et triste fortune !
Dans une mer sans fond, par une nuit sans lune,
Sous l’aveugle océan à jamais enfouis !
(…)
Le corps se perd dans l’eau, le nom dans la mémoire,
Le temps, qui sur toute ombre en verse une plus noire,
Sur le sombre océan jette le sombre oubli.
(…) »

Imaginer quelles étaient leurs vies. Imaginer leurs noms pour qu’ils ne soient pas oubliés.

Avoir envie de les crier. Imaginer ce qu’auraient pu être leurs vies sous d’autres cieux que chez eux. Dureté. Beauté. Rencontres. Création d’un avenir. Le leur, le nôtre. Nos futurs Manouchian. Pourquoi pas ?

« Notre terre engloutie n’existe pas sous nos pieds,
notre patrie est un bateau, une coquille ouverte.

Vous pouvez repousser, non pas ramener,
le départ n’est que cendre dispersée, nous sommes des allers simples »,

écrit le grand Erri De Luca dans son merveilleux « Aller simple ».  Qui ajoute :
 
L’humanité sera rare, métisse, bohémienne
Et elle ira à pied. Elle aura pour butin la vie
La plus grande richesse à transmettre ses fils.

 

Avoir honte. Où est notre humanité ? Méditerranée, puisse ta force de fée nous donner le courage et la beauté d’affronter notre défi. Notre défi, le seul qui compte, celui d’être et de rester des êtres humains.

Sans quoi rien ne sera plus possible. Méditerranée dans ton humilité, comme dans ta volubilité, dans ton hospitalité comme dans ton nécessaire apprivoisement, dans ta joie comme dans ta mélancolie, permets-nous collectivement de ne plus pleurer 500 personnes mortes pour devenir plus libres.

Bon dimanche.

L’édito paraît le dimanche dans l’Ernestine, notre lettre inspirante (inscrivez-vous c’est gratuit) et le lundi sur le site (abonnez-vous pour soutenir notre démarche)
 
Tous nos éditos sont là.

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