Un soir son mec lui souhaite « belle nuit ». Cela paraît anodin. C’est en fait une déflagration. Le moment où Emma comprend que quelque chose ne tourne pas rond dans sa vie, mais surtout dans son couple. Un couple qui a perdu sa langue. Voire qui a donné sa langue au chat. Romain, son mec, ne parle plus qu’avec des éléments de langage. Alors qu’il raconte des retrouvailles avec un ami perdu de vue, Romain aurait aimé un « dialogue plus apaisé » et aurait aimé « profiter mieux ». A force de l’entendre parler, Emma se demande si le Romain qu’elle a aimé a disparu.
Un livre juste et intelligent
A la fois drôle et inquiétant, le roman réussi de Garance Meillon « La langue de l’ennemi », paru aux éditions de L’Arpenteur, interroge de façon subtile et juste la question de la langue de l’amour et même de la langue du couple. Cette idée que deux amoureux se parlent avec des mots codés, et qu’ils les réinventent au fur et à mesure. Être sur la même longueur d’ondes dit l’adage populaire. Etre sur le même registre de langage dit Garance Meillon. Si le registre de l’un s’éloigne de celui de l’autre, c’est aussi les corps qui s’éloignent. Et plus que ça encore. D’ailleurs si l’on a plus les mots pour le dire, aura-t-on encore les corps pour le faire ?
Quand la langue s’effiloche, l’amour se délite. C’est au fond cela le message de Garance Meillon dans ce livre qui donne une envie et une seule : celle de se réapproprier la langue de ses amours. De la cultiver, de l’inventer, de l’écrire, de la chanter, et surtout, surtout, de la partager avec l’autre. Bref, une jolie surprise que ce roman.
“La langue de l’ennemi”, Garance Meillon, L’Arpenteur, 19 euros.
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