1 min

L’espoir d’un monde

Le Livre Du Vendredi Twitter 1000x500(57)

“Renoncez à votre voyage”, c’est ce qu’a conseillé le Ministère des Affaires étrangères à François-Henri Désérable (dont nous avons déjà dit tout le bien que nous pensions dans ses colonnes) quelques jours avant son départ sur les traces de Nicolas Bouvier en Iran. La faute aux manifestations des femmes pour la liberté, à la répression de tous les occidentaux, bref un “territoire en zone rouge”. Il ne renonce pas. Il a bien fait, tant le livre qu’il a tiré de cette expérience unique est un petit bijou d’intelligence, d’humanisme, d’humour, d’amour des autres et de la littérature. Par les mots, par les rencontres, Désérable dessine les contours d’une Iran où le peuple vit dans la peur, mais où le courage est venu irriguer une frange très importante de la populaion qui n’en peut plus des diktats religieux. L’assassinat fin 2022 de Mahsa Amini pour un voile mal ajusté a fait se lever les jeunes, les moins jeunes, les femmes d’abord, les hommes ensuite, le tout conduisant à une révolte puissante, durement réprimée mais qui reste joyeuse et tournée vers l’espoir d’un meilleur lendemain où la religion ne dicterait plus sa loi.

Au fil de son voyage, Désérable comprend les soubassements d’un pays, les raconte aux lecteurs, et fait des rencontres superbes. Ici un Allemand en plein chagrin d’amour, là dans une auberge une gérante qui glisse un papier sur sa table pendant qu’il discute avec un Iranien. Désérable croit qu’elle le drague ; en fait, elle le prévient que son interlocuteur est probablement un indicateur du gouvernement. Il ouvre le compas de ses pensées, ouvre son cœur aussi à ce que les autres vont lui donner tout au long de son trajet, serre les fesses devant un conducteur soutien des gardiens de la Révolution”. Il dit aussi la beauté du voyage, les moments de grâce, les découvertes qu’il permet chez celui qui voyage. Voyager c’est aller vers les autres, en l’occurrence les Femmes d’Iran, mais aussi vers soi-même. Désérable raconte ces deux facettes du déplacement. Et comme nul autre même pas les “correspondants qui pour certains restent à Paris” ou dans leurs “chambres d’hôtel”, il trace le courage inouï de ces femmes. Il se prend un instant pour Eluard. Et c’est superbe.

Sur les dômes des mosquées
Sur les turbans des mollahs
Sur les barreaux des prisons
Sur le drapeau de l’Iran
Sur les cyprès millénaires
Sur les tombes des poètes
Sur les portes des bazars
Sur les dunes du désert
Sur les voiles embrasés
Sur la peur abandonnée
Sur la lutte retrouvée
Et sur l’espoir revenu

Femme
Vie
Liberté

 

L’espoir d’un monde est là. Dans les poèmes aussi. Ceux que Firouzeh apprend.

Lisez, c’est magnifique !

François-Henri Désérable, “L’usure d’un monde”, Gallimard.

Laisser un commentaire