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Brouillard et lumière

Irina Kaia MYRWANbbc8s Unsplash

Les montagnards le savent, pour s’orienter dans le brouillard, il convient de s’équiper d’outils, ou à défaut de trouver des repères dans l’environnement dans lequel on évolue afin de ne pas perdre le chemin. Ce matin les amis, nous sommes comme des montagnards plongés dans le brouillard du monde. Il faut dire que la barque est chargée et que l’on navigue à vue.
Un tyran sanguinaire a annexé des territoires, a cité Joseph Goebbels dans un discours, et s’est opposé clairement au mode de vie occidental incarné par nos institutions démocratiques.
Le pays de Dante a élu une dirigeante post-fasciste qui a pour programme politique une régression abyssale et qui se pavane dans les médias en disant que son livre préféré est “Le seigneur des anneaux“. La première réaction : “tiens, elle lit, elle ?”. Seconde réaction : se replonger dans Tolkien. Dans cette histoire qui raconte comment des hobbits sauvent la Terre du Milieu en détruisant le méchant seigneur Sauron, qui a fabriqué des anneaux de pouvoir dépendants de lui – dont un maléfique. Comme si elle prenait les Italiens pour des hobbits qui allaient  se sauver des grands méchants en vrac : l’Union Européenne, les identités multiples, l’avortement etc…

Ces événements mondiaux sont venus s’obscurcir encore un peu plus pour l’auteur de ces lignes quand lors d’une rencontre avec des étudiants il entendit, prononcée par plusieurs personnes présentes (environ un tiers de l’échantillon), la phrase suivante “La dictature a quand même des avantages. Elle permet de prendre des décisions efficaces et d’appliquer réellement ce que l’on a décidé“. Au départ, on croit à une blague, à une provocation. Mais en fait, non. Cela est pensé comme un outil d’efficacité pour que “les gens arrêtent de se plaindre.”
Sortir de là. Sentir le brouillard enveloppant nous gagner. Penser sombrer puisque tout est foutu et que les repères n’existent visiblement plus. Et puis toujours se tourner vers l’art et les artistes. “Nous sommes les enfants des livres que l’on a lus”, écrit Delphine Horvilleur dans son dernier ouvrage. Plus que jamais. Nous sommes les enfants des œuvres d’art qui nous habitent et qui nous ont construit.

Se rappeler de Dante. “Au milieu du chemin de notre vie, je me retrouvais dans une forêt obscure”. Nous sommes dans la forêt obscure. Mais la route est longue. Il nous appartient de faire en sorte de sortir individuellement et collectivement de cette forêt obscure et pleine de brouillard. 
Écouter aussi Joan Sfar sur une radio. “Je sais que je suis inutile, mais cela n’empêche pas de continuer avec une joie certaine et sans cesse renouvelée.”

“La joie est indépendante du phénomène”, écrivait le philosophe Clément Rosset. Peut-être justement que c’est dans l’accueil de cette joie, de cette beauté, de cette force de vie, de notre capacité à lever les yeux, à relever la tête que nous trouverons la force. De se battre, certes, mais aussi de se rappeler une chose : la lumière, même dans le brouillard, est présente.

Dans l’ultime scène du Dictateur, Charlie Chaplin dans son discours de clôture lance cette antienne. “Hannah, est-ce que tu m’entends ? Où que tu sois, lève les yeux ! Lève les yeux, Hannah ! Les nuages se dissipent ! Le soleil perce ! Nous émergeons des ténèbres pour trouver la lumière ! Nous pénétrons dans un monde nouveau, un monde meilleur, où les hommes domineront leur cupidité, leur haine et leur brutalité. Lève les yeux, Hannah ! L’âme de l’homme a reçu des ailes et enfin elle commence à voler. Elle vole vers l’arc-en-ciel, vers la lumière de l’espoir. Lève les yeux, Hannah ! Lève les yeux !”

Dans le brouillard du monde, nous disposons d’au moins deux outils. L’art pour s’inspirer, rire, pleurer et progresser, mais aussi la possibilité de toujours lever les yeux et de se tenir debout. Pour dire non. Levons les yeux, les amis c’est le seul moyen de voir la lumière. Elle est là. Au milieu du brouillard.

Bon dimanche les amis,

PS : Ernest a besoin de vous. En cette rentrée, réabonnez-vous ou invitez-vos ami(e)s à nous rejoindre. Par là.

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