Regardez autour de vous. Les bourgeons sont là. Quelques fleurs peuplent à nouveau notre paysage. Les légumes nouveaux sont bientôt là, les jours rallongent et une forme de douceur légère s’installe dans l’atmosphère. Le printemps est là. Devant nous. Avec lui, le bagage de nos espoirs, de nos envies, de nos découvertes à venir. Toujours le printemps rend plus léger le trop plein de l’hiver qui n’en finit pas vraiment. Toujours le printemps nous invite à reformuler des projets, nous sort de la torpeur hivernale et réactive plus encore notre désir de vie. Cette fringale de vie qui nous conduit à aimer, à s’amuser, à rencontrer, à créer et tout simplement à faire.
Évidemment il a, peut-être, cette année une saveur particulière mâtinée de flou qui nous empêche de complètement savourer cette forme de douce euphorie qui nous gagne – toujours – à cette période de l’année. Clairement, nous pourrions perdre espoir. Nous pourrions nous morfondre, nous plaindre, nous dire que décidément notre époque n’est pas à la hauteur de nos espoirs. Ce serait une solution. Ce n’est pas la nôtre.
Ici, chez Ernest, nous croyons – comme vous – que l’art en général, la recherche de la beauté et les livres forcément sont des outils qui nous permettent de nous projeter, de panser des plaies, et simplement de savourer ce qui fait le sel de la vie. Hasards des calendriers de la vie, il s’est trouvé que cette semaine alors que nous commémorions l’anniversaire des attentats de Toulouse en 2012 perpétrés par Mohammed Merah que nous nous sommes plongés dans la sublime BD de Coco, “Dessiner encore”.
Dans ce roman graphique d’une beauté incandescente, Coco (dessinatrice de Charlie Hebdo) raconte ce jour de janvier 2015 où partit un peu avant la fin de la conférence de rédaction de l’hebdomadaire elle tomba nez-à-nez avec les immondes qui la forcèrent à faire le code permettant d’entrée dans les locaux du journal. Image obsédante. Image qui la hante. Image qui est aussi le début de sa création rédemptrice. Image qui en donnant un coup d’envoi à la création redonne une dynamique à sa vie et nous permet, à nous, de lire une BD superbe, douce, onirique, et d’une beauté à pleurer et à rire.
L’art nous sauve. Les artistes nous sauvent. Les artistes sont notre printemps. Hasard des calendriers toujours, c’est un autre livre où les mots, la musique, les souvenirs et le lien avec les autres qui nous est ensuite tombé dans les mains. “Au Carillon, sonne l’heure” de Quentin Girard narre une semaine de novembre 2015. Celle où les islamistes sont venus tuer encore. Dans une salle de concert, aux abords d’un stade, et sur les terrasses. Dans une langue chaloupée, douce et intense, Girard raconte les doutes, les siens et les nôtres. Il raconte nos vies. Notre capacité collective à aller de l’avant. A espérer. A faire malgré tout. Dans cette ode à la vie, à l’amitié, et à l’humanité, Girard parle d’hier, d’aujourd’hui et surtout de demain.
Peut-être vous demandez-vous le rapport ? L’art comme outil. L’art comme planche de salut. L’art comme moyen de nous donner l’espoir d’être ensemble. Hasard des calendriers, enfin, alors que nous terminions ces deux livres, nous lisions aussi les dernières pages du livre de Delphine Horvilleur “Vivre avec nos morts” dont Frédéric Potier vous parle ici. Dans ce “petit traité de consolation”, Delphine Horvilleur nous invite à tirer toujours de la vie. A rendre vivante la mort. En cherchant l’art, le rire, le regard des autres, et simplement les mots. Rendre vivante la mort. Choisir la vie. Cela tombe bien c’est ce que font l’art, et aussi le printemps qui réinvente la vie à partir de la mort hivernale. “La nuit meurt, l’hiver fuit ; maintenant la lumière”, dit le célèbre vers de Victor Hugo. Maintenant la lumière. La lumière est là. Saisissons-la.
Bon dimanche plein de la lumière du printemps,
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