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“Lyon, 1942”

KlausBarbie 1942

Episode 2 du récit du procès Barbie raconté à la façon d'un chroniqueur judiciaire par Stéphane Nivet. Au programme : l'identité de Barbie, l'acte d'accusation, et l'installation du tortionnaire nazi à Lyon en 1942.

L'épisode 1 de "24 colonnes à la Une" consacré à l'ouverture du procès est là.

[caption id="attachment_36747" align="alignleft" width="486"]Capture D’écran Temps FORTS Fr3 Klaus Barbie à Lyon en 1987[/caption]

Barbie est installé dans son box, dans la lumière, lui qui a si longtemps louvoyé pour rester dans l’ombre. Le président Cerdini invite poliment la presse à se retirer. Les photographes quittent les lieux à l’allure de ces carabiniers d’opéra qui piétinent sur scène de longues minutes avant de concéder leur évanouissement derrière les décors. Barbie, légèrement goguenard, échange quelques sourires avec son avocat, Me Jacques Vergès, dont le visage laisse transparaître un très léger sentiment d’agacement à l’idée de ne pas être le seul et unique centre de l’attention générale. Une fois les lieux libérés par les objectifs, l’audience peut enfin commencer.

"Altmann Klaus"

La vérification d’identité permet rapidement d’entrer dans le vif du sujet : quelle est l’identité de celui qui se trouve dans le box ? A la question, « quels sont vos noms et prénoms ? », l’accusé répond : « Altmann Klaus ». Voilà qui résume assez bien une vie reposant depuis des décennies sur un mensonge patronymique : Barbier, Barby, von Barbier, Meyer, Klein, Kleitz, Mayer et enfin Altmann. La liste de ces identités imaginaires est un véritable annuaire de la fuite, sous protection de la papauté, sous protection américaine puis sous protection bolivienne. En entendant la chose, Ladislas de Hoyos, journaliste de télévision et biographe du « boucher de Lyon », me glisse que le nom de Altmann n’a pas été choisi au hasard : « Il a voulu planquer son passé nazi en prenant un nom possiblement juif, celui d’Adolf Altmann, ancien Grand Rabbin de Trèves, ville où Barbie a grandi ». Un avocat des parties civiles, Charles Libman, visage léonin, chevelure blanche et voix de prétoire, se lève pour que ce point ne soit pas évacué aussi vite et faire établir que Barbie n’assume pas le nom sous lequel il a commis tant de crimes. La défense barbote dans ses dénégations tandis qu’une autre crinière blanche, celle de Pierre Truche, procureur général, surgit pour mettre fin à cette comédie et casse le pot autour duquel d’aucuns voudraient tourner des heures : « Je comprends très bien que l’accusé veuille éviter de se présenter sous ce nom de Barbie. Mais il n’est pas contesté que c’était bien lui qui se trouvait à Lyon de 1942 à 1944 sous le nom de Klaus Barbie, Obersturmführer SS ». Fermez le ban.