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Place à la culture

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Il était 21h20. Il faisait bon ce vendredi de novembre. Un match avait lieu au Stade de France, des hommes et des femmes écoutaient du rock dans une salle mythique, d’autres dînaient, riaient, s’aimaient ou se disputaient aux terrasses de Paris. Il était 21h20 ce 13 novembre 2015 et l’effroi, l’horreur, et la mort vinrent nous visiter. Visant une génération toute entière, un mode de vie, une façon d’être au monde. Visant un pays dans son cœur. Venant poursuivre l’horreur de cette année 2015 qui avait débuté d’une si sinistre manière avec les attentats contre Charlie Hebdo, les policiers Ahmed Merabet et Clarissa-Jean Philippe, et l’hyper cacher. Il y eut ensuite, pendant de longues années – sept pour être précis – les documentaires, les prises de parole des rescapés, et des proches de victimes pour dire leur horreur, notre horreur. Il y eut aussi, évidemment, l’enquête, la traque des possibles terroristes survivants et leurs arrestations. Il y eut aussi d’autres attentats.

Il y eut depuis six mois “le procès historique”, le “procès hors norme”. Le procès aux 145 journées d’audience, aux 300 avocats, aux 20 accusés, aux 1800 parties civiles, au dossier d’instruction au million de pages, et à la salle d’audience aux 550 places. Il y eut, durant ce procès, les mots à jamais gravés. Ceux des survivants, des parties civiles, mais aussi ceux de morgue des accusés.

Les chroniques parues dans la presse ont su retranscrire avec justesse la puissance et la force de ce procès qui, démontre, si besoin en était la supériorité de la démocratie sur toutes les autres formes de régimes politiques. Il y eut, enfin, cette semaine le verdict. Des peines de sureté incompressibles. Des accusés reconnus coupables. Tous. Et ensuite, des peines prononcées que les uns et les autres qualifient “d’humanistes.”

Ce procès se termine quasiment 35 ans, jour pour jour, après celui de Klaus Barbie à Lyon en 1987 (Lire notre récit exclusif de ce procès par Stéphane Nivet qui nous fait revivre les audiences ici. Ce sera notre série d’été, en sept épisodes). Autre temps, autre guerre. Mais un même besoin de faire en sorte que la justice puisse dire une vérité.

Maintenant vient donc le temps de l’histoire. Mais aussi, celui de la culture. La culture qui par ses images, ses mots, ses couleurs, ses danses, ses pièces de théâtre, s’empare d’un commun pour en tirer de l’art. Des œuvres d’art naîtront de la façon dont les artistes s’autoriseront à malaxer cet événement. Demain, ainsi, peut-être verrons-nous au cinéma l’équivalent pour le 13 novembre de “La vie est belle” de Roberto Benigni, peut-être lirons-nous un “extrêmement fort, incroyablement près” qui aura pour toile de fond le 13 novembre comme le roman de Safran Foer avait le 11 septembre, peut-être qu’un peintre fera un Guernica.

Peut-être un écrivain osera-t-il à l’instar d’un Jonathan Littell dans “les Bienveillantes” écrire un roman qui se mettra dans la tête des terroristes et dira “je”. Comme dis je Maximilien Aue, le personnage principal de Littell tortionnaire fictif inspiré de tous les tortionnaires nazis. Qui sait ? Peu importe finalement.

Ce qui compte c’est que la forme artistique puisse tout tenter. Qu’on puisse ensuite la combattre ou l’aduler. Pour transmettre. Ce qui compte c’est que l’art s’autorise le fait de s’emparer du drame pour en faire une œuvre. Faire une œuvre du drame pour que la mémoire passe. Pour que l’Art puisse être l’expression ultime d’une forme de métaphysique humaine aurait pu dire Nietzsche. Pour que l’émotion artistique fasse que rien ne s’efface mais qu’au contraire tout imprime. Pour que l’art impose un langage commun de l’événement.

Bon dimanche,

L’édito paraît le dimanche dans l’Ernestine, notre lettre inspirante (inscrivez-vous c’est gratuit) et le lundi sur le site (abonnez-vous pour soutenir notre démarche)
 
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