Ici même la semaine passée, 1er mai, nous tentions de vous envoyer quelques muguets de mots pour se rappeler, collectivement, qu’à travers cette fleur il y avait aussi la possibilité de dire au récipiendaire du bouquet l’amour que nous lui portons.
Cette semaine, d’un muguet de mots à l’autre, fût caressée un instant l’envie de réfléchir avec vous au sens des mots que nous employons en permanence dans la langue politico-médiatico-rézosocio dans laquelle nous évoluons. Jugez du peu : “accord historique“, “troisième guerre mondiale”, “scandale d’État”, “honte absolue”, “fasciste“, “wokiste”, “islamophobe” et tous ces mots pièges et valises que l’on se gargarise d’employer sans en mesurer ni le sens profond, ni la portée réelle.
Ainsi, cette semaine donc, nous sommes passés par “un accord historique” d’un côté à des “trahisons de l’histoire” de l’autre. Question de point de vue. Question, aussi, peut-être d’une langue qui s’appauvrit et qu’à “’accord historique” qui n’est au fond rien de plus, rien de moins qu’un accord électoral, ne peut qu’être opposée une “trahison profonde de l’histoire“, qui n’est en fait que la résultante d’une quinzaine d’années passée sans travailler le fond et en vivant d’une rente. Bref, dans cet agrégat de mots excessifs en tous genres, difficile de trouver la boussole du sens.
C’est alors qu’une autre envie fût caressée. Celle de se souvenir, forcément, du symbole du 8 mai, mais aussi de celui du 9 mai, journée de l’Europe cette “fraternité permanente dans le combat pour les idées“, dont Zweig parlait comme nul autre. Donnant à cet idéal, comme Victor Hugo avant lui d’ailleurs, une dimension utopique, épique et entraînante que l’on peine parfois à retrouver, maintenant qu’une partie de l’utopie a été réalisée. L’amour, les mots, la guerre, la paix, l’Europe. Tout cela entremêlé. Comme dans la vie, en somme.
De caresses en envies, une troisième voie s’est présentée à nous. Celle de disserter avec vous, ce matin, d’un nouvel art. Ou plutôt d’un art parfois oublié et dévoyé, qu’un livre délicieux écrit par un philosophe contribue à réinventer et surtout à réaffirmer. Cet art, chères amies qui rentrez du footing, chères amies du fond du lit, chers amis qui revenez du marché ou chers amis qui lisez aussi, en plus de votre Ernestine, le JDD, est l’art érotique. Dans un essai sensuel qui vient de paraître aux éditions Allary, le philosophe Alexandre Lacroix se plonge avec malice dans la réflexion autour de l’acte d’amour. Dans “Apprendre à faire l’amour”, Lacroix interroge nos habitudes, nos habitus et nos façons de nous entrelacer. Sa réflexion mêle littérature, philosophie et ce qu’il nomme le “freudporn” pour nous inviter, chacune et chacun, à réfléchir à la façon dont nous faisons l’amour. Faire de cet instant un swing égalitaire sans autre but que le moment partagé avec le ou la partenaire d’une vie ou d’une nuit ou de plusieurs.
Forcément les mots de Lacroix sur le “faire l’amour” résonnent avec ceux de l’auteur de ces lignes (Éloge de la séduction, éditions de l’Aube) dans le “se séduire en égalité” et la capacité que nous avons de faire de l’acte d’amour érotique la séduction de la sexualité. Pour le 8 mai, voici donc notre conseil : lire le Lacroix et le Médioni (dispo ici). Pour mieux s’aimer. Loin d’être académique et ennuyeuse, la proposition de Lacroix de réinventer “l’art érotique” est probablement la proposition politique la plus intéressante de cette année électorale.
Comme disait Charlie Hebdo dans les années 70 : “baisons mieux pour vivre mieux” !
Bon dimanche crapuleux,
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