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Lettres à France : Charles de Gaulle

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Après Jacques Chirac la semaine dernière, c’est Charles de Gaulle qui nous parle de la campagne présidentielle actuelle. Il nous a compris !

Français, Françaises,

C’est le Général de Gaulle qui vous parle ! Oui, l’homme du 18 juin, pas l’aéroport. On me demande de commenter l’élection présidentielle en cours… mais le général ne commente pas, il n’est ni Léon Zitrone, ni Guy Lux. La présidentielle ce n’est pas Intervilles sans les vachettes !
Non, le général ne commente pas, il se désole à vrai dire. Il se navre devant tant de médiocrité confondante.
L’élection présidentielle au suffrage direct, que j’ai voulue et organisée en 1962, devait être la rencontre d’un Homme et d’un Peuple. La clé de voûte des institutions.
Soixante ans après, le Peuple français n’aura que l’embarras du choix. Il sera bien en peine de se prononcer, et je le comprends.
La liste des candidats n’appelle pas aux réjouissances et à la hauteur de vue. Commençons d’abord par constater qu’un quarteron de candidats d’extrême-gauche rêve toujours de mener une révolution bolchevique. La chienlit, depuis mai 1968, nous colle aux basques. Ah ! Si Pompidou m’avait laissé faire avec Massu, on n’en serait pas là. Remarquez, j’aime bien le petit Roussel, là… Il a de l’humour pour un communiste. Faire campagne sur la viande rouge, il fallait oser. Pour le reste, il défend l’ordre, la sécurité, la participation des salariés et l’industrie nucléaire. Un programme quasi gaulliste ! Je vais demander à Michel Debré de lui offrir une carte du RPF.

Les socialistes ont choisi de présenter la Maire de Paris. Paris outragée, Paris martyrisée mais Paris libéré ! Ah, ah ah… ça rappelle des souvenirs… mais Paris n’est pas la France. Pour la comprendre, pour l’incarner, il faut avoir traîné ses guêtres dans les champs, marché longuement dans nos forêts, tâté le cul des vaches, flâné dans les petites sous-préfectures… Je l’avais dit au grand agité, Chirac, le protégé de Pompidou. Il paraît qu’il a suivi mon conseil en s’implantant en Corrèze…
Je découvre qu’un candidat écologiste se présente. Incroyable ! Les arbres votent maintenant ? Il y a aussi un candidat, ancien berger, qui se présente au nom des campagnes. Diantre, les Français sont des veaux mais pas des moutons quand même ! Heureusement que Malraux n’est plus là pour voir cela. Il nous en ferait une épopée romanesque avec des névrosés…
La droite est incarnée par une élue des Yvelines dont le patrimoine est estimé à 10 millions d’euros, soit plus de soixante millions de nouveaux francs. L’information suscite à la fois jalousie et mesquinerie. Le désir du privilège et le goût de l’égalité sont bien des passions dominantes et contradictoires de nos concitoyens. Tiens, je vais demander à Yvonne combien vaudrait la Boisserie à Colombey-Les-Deux-Eglises aujourd’hui… sans doute beaucoup moins.

Sinon deux ou trois candidats d’extrême-droite sollicitent les suffrages aussi. Les nostalgiques du Maréchal Pétain sont de retour à ce que je vois. Pathétiques. Dégoulinant de nostalgie et de révisionnisme. Des patriotes de pacotille qui font les yeux doux aux ploutocrates russes. Des petits télégraphistes, des anciens combattants de l’OAS. Ils cherchent de la grandeur et ils ne trouvent que l’enflure de leurs ambitions démesurées. J’aurais bien aimé les voir à Dunkerque en 1940, à Bir-Hakeim ou en Normandie ! Ou bien face à Churchill, Roosevelt et Staline… Le Président de la République n’est pas une vedette télévisée, un éleveur de chats, un scribouillard complexé par un échec au concours d’une grande école ou par la figure du père. Il EST la France ! Il EST la 4e puissance mondiale, avec son arme nucléaire, ses Concordes et son siège au conseil de sécurité.

Quant à mon lointain successeur, je n’en parlerai pas. S’il venait à être réélu c’est que les Français lui auraient trouvé quelque mérite. Je les laisse donc de se prononcer. Je constate qu’il est bien jeune. Au même âge, je n’étais qu’un obscur lieutenant-colonel… On me dit qu’il se sent aussi bien seul à l’Élysée. Rien d’anormal à cela, l’autorité ne va pas sans prestige, ni le prestige sans l’éloignement.

Je sens que mon propos vous fatigue déjà.
Au fond, vous êtes las de tout cela, n’est-ce pas ?

Je vous ai compris. Moi aussi.

Toutes les lettres des anciens sont là.

3 commentaires

  • Merci Ernest pour ce “Kintsugi” colonial d’apaisement de souvenirs douloureux.
    Une petite remarque pour Mouloud Feraoun : les diverses populations en Algérie se sont effectivement
    “coudoyées” sans curiosité mais avec une indifférence instinctive , basique non réfléchie .
    Après cet édico émouvant poursuivre la lettre d’Ernest par le ” Je vous ai compris” de De Gaulle peut paraitre provoquant et inviter à réfléchir quand on a vécu dans sa chair ces douloureux événements.
    Encore merci Ernest de ce clin d’oeil à l’art japonais pour vivre plus sereinement cette période difficile.

    Michel

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