2 min

Marchons, marchons…

Le Livre Du Vendredi Droitdusoldavodeau

Étienne Davodeau est un passeur. Un passeur d’émotions, qu’il nous transmet par la grâce de son dessin ; un passeur de savoirs aussi, qu’il nous délivre au gré de son œuvre qui alterne fictions et récits réalistes. Dans son dernier album, « Le droit du sol », on le découvre randonneur, en proie à un vertige existentiel, point de départ d’un périple de plus de 800 km à travers la campagne française.
L’histoire qu’il nous conte est celle d’un voyage, « un voyage dans le temps et dans l’espace. Une balade à la surface de notre planète, destiné à relier deux lieux singuliers. Deux actes. Deux traces laissées par des sapiens à d’autres sapiens » nous explique-t-il. Deux héritages qui le fascinent et entre lesquels il lui est venu l’envie de tracer une ligne, puisque, après tout, « tracer une ligne, c’est écrire, c’est dessiner ».
Cette ligne, il la trace avec ses pieds. Elle relie la grotte de Pech Merle, dans le Lot, dans laquelle il y a 25 000 ans les premiers hommes ont laissé à leurs descendants des souvenirs admirables, sous la forme de peintures rupestres ; et Bure, dans la Meuse, où d’autres hommes envisagent d’enterrer des déchets nucléaires susceptibles de polluer le sol pendant des milliers d’années. Un cadeau magnifique d’un côté, un cadeau maléfique de l’autre.

Passeur de sensations et de savoirs

Avec « Le droit du sol », Étienne Davodeau nous questionne sur notre rapport à la Terre. À ce sol nourricier que l’espèce humaine arpente depuis des millénaires mais qu’elle s’évertue à saccager aveuglément. L’album est un vibrant plaidoyer à la vie et à la nature, sublimées par le trait minimaliste de l’auteur. Ses dessins témoignent du plaisir ressenti devant la variété des paysages naturels qui composent ce bout de France traversé sac au dos. Au fil des pages, on est aspiré par cette sensation d’espace, « ce vertige d’herbe et de silence », comme la décrit Davodeau. On marche avec lui, on partage avec lui la chaleur, la soif, la poussière, la boue, l’inconfort et la fatigue. Les rencontres aussi. Tous ces instants fugaces qui nous font nous sentir à notre place au détour d’un chemin, d’une prairie, d’une rivière.

La force de l’album « Le droit du sol » réside également dans la façon dont Étienne Davodeau construit son enquête – engagée et militante – contre le nucléaire. Grâce à la liberté que lui offre le dessin, Il invite virtuellement à marcher avec lui des femmes et des hommes qui ont des choses intéressantes à nous dire sur la trace laissée par l’homme sur la planète : préhistorien, agronome, spécialiste de l’énergie, sémiologue, activiste… Autant de témoignages qui nous éclairent sur la façon dont nous nous sommes perdus en chemin. Le constat est dur, vous vous en doutez. Comme le dit l’une de ces personnalités : « En ces temps de prise de conscience écologique où le durable devient un but, l’ironie de tout ça est terrible. Nous voulions du durable ? Là, nous l’avons ».  Si vous ressentez le besoin de respirer, faites-vous du bien, marchez dans les pas de Davodeau !

Le droit du sol, d’Étienne Davodeau, éditions Futuropolis, 25€.

Tous les livres du vendredi sont ici.

Laisser un commentaire