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Abrazo !

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Il y a 40 ans, presque jour pour jour, le 30 septembre 1981, un homme soutenu par une majorité politique élue quelques mois plus tôt montait à la tribune de l’Assemblée nationale et du Sénat et faisait entrer la France dans la modernité en proposant l’abolition de la peine de mort.

La France était alors le seul État de la communauté économique européenne (l’ancêtre de l’Union Européenne) à pratiquer des exécutions. L’histoire est connue et nous avons déjà dit ici à plusieurs reprises à quel point nous aimions Robert Badinter, artisan de cette Loi.
Dans son discours, ce jour-là, Badinter déclare : “Parce qu’aucun homme n’est totalement responsable, parce qu’aucune justice ne peut être absolument infaillible, la peine de mort est moralement inacceptable.” Et il ajoute : “La France est grande, non seulement par sa puissance, mais au-delà de sa puissance, par l’éclat des idées, des causes, de la générosité qui l’ont emporté aux moments privilégiés de son histoire.” 
Des mots forts qui soulignent, à nos yeux, deux choses : d’abord qu’il convient toujours de s’intéresser à l’éclat des idées et à la générosité pour se placer dans les habits de la grandeur de la France. Cela rappelle aussi que l’infaillibilité n’existe pas et qu’il nous appartient de garder – toujours – cela en tête dans notre vie de tous les jours, mais aussi et surtout dans les solutions politiques simplistes que certains sont parfois tentés de proposer.

Alors que nous lisions un grand entretien de Robert Badinter dans Libération vendredi matin dans lequel il se moquait presque de l’imbécile télévangéliste raciste qui propose de rétablir la peine de mort qui ne pourra selon Badinter “jamais être rétablie en France”, deux résonances ont joué une douce musique à nos oreilles. Ce matin, nous avions envie de vous les partager. Comme cela. Juste pour vous donner à entendre la musique de pensée étrange qui nous a gagné et qui, disons-le, nous a amusé et fait du bien.  Ainsi, alors que nous terminions la lecture de cette conversation de Badinter avec les journalistes de Libé, c’est un immense abrazo que nous avons eu envie de donner à l’ex-garde des Sceaux.
Vous savez l’abrazo est ce moment du tango “où les danseurs se rejoignent sur le parquet et se prennent dans les bras. Il s’embrassent étymologiquement”.
Nous le savons car cela est raconté dans le “Petit éloge de l’embrassement” de Belinda Cannone (nous l’avions rencontrée avant l’été) qui vient de paraître dans lequel l’autrice ausculte la danse du tango, mais en profite surtout pour élaborer une philosophie de la relation puissante et humaniste. Une philosophie de la relation basée sur l’attention à l’autre et à ses failles. Nous retrouvons ici les mots de Badinter sur notre humaine faillibilité. “L’homme civilisé, c’est celui qui porte les autres en lui, celui qui se sait profondément fragile et sait fragile autrui qui demande aide, soutien et amour, et qui peut les donner en retour”, écrit Cannone comme pour nous donner des grilles de lecture, des secrets d’initiés pour savoir qui sont les gens civilisés de notre époque troublée. Ceux qui éructent des certitudes fausses ou bien ceux qui acceptent d’être dans le doute et le questionnement ?

Dans cet abrazo et dans cette relation à l’autre, ce qui compte c’est l’écoute et la capacité à s’en remettre aux autres pour compléter nos propres incomplétudes. La seconde résonance vous apparaîtra peut-être plus étonnante encore. Elle nous porta vers le superbe petit livre de l’auteur Jérôme Attal intitulé “Petit éloge du baiser” (auquel nous nous étions nous même essayé un dimanche matin). Réjouissant livre dans lequel Attal s’amuse à nous inviter à s’embrasser.  En refermant l’ouvrage plein de sourires une envie qui va au-delà de celle d’embrasser pleinement tous les êtres aimés, c’est celle d’un abrazo géant et politique que nous formerions avec tous les gens civilisés au sens de Cannone pour se battre ensemble contre la bêtise et la haine !
Nous en avons parlé à Robert Badinter, il est d’accord.
Chiche ?

Bon dimanche,

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