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La force des instants

Samuel Elias Nadler JzHSIzNYnU Unsplash

« (Très) petit espace temps ». C’est la définition de l’instant. Du moins c’est l’une de ses définitions. Car l’instant peut aussi être décrit d’une autre façon : « espace de temps d’une durée indéterminée mais paraissant très court ». Dans cette deuxième acception, le mot prend alors tout son sens. Ces moments – brefs – qui nous marquent pour longtemps. Qui influent même parfois sur le court de nos vies. Qui structurent des chemins, des décisions, des œuvres. D’ailleurs, cher lecteurs et lectrices du fond du lit, du café croissant ou du retour de footing, cet éditorial lui-même est l’histoire d’un instant. Celui où l’auteur de ces lignes a lu la chronique de l’ami Paul Vacca dans un journal belge consacré au livre de Marianne Jaeglé « Un instant dans la vie de Leonard de Vinci et autres histoires » qu’il avait également beaucoup aimé. Dans ce livre de 21 nouvelles, Marianne Jaeglé raconte les moments cruciaux où des artistes de l’Antiquité au 21e siècle ont changé quelque chose ou pris une décision qui a changé leur vie, les faisant devenir ceux que nous connaissons. Illustration de l’idée grecque de Kairos : temps opportun et instant à saisir.

L’idée ce matin n’est pas de tomber dans une mélopée attendue expliquant qu’il faut cueillir l’instant. Non, l’idée est plutôt de nous inviter à chercher quels sont les instants qui nous ont vraiment marqués. Collectivement ou individuellement. D’ailleurs les deux sont parfois liés. Souvent même puisqu’un instant collectif peut déclencher des décisions qui deviennent les instants d’une vie. Chacun possède un panthéon personnel des instants collectifs.
Les joyeux, football, rugby, victoire électorale, pied sur la lune… Comme les pires. 11 septembre, Charlie, 13 novembre, Nice… Certainement que consciemment ou inconsciemment ces événements/instants nous ont mis en mouvement ou au contraire retardés sur le chemin de la vie. Chacun possède également, évidemment, un panthéon personnel de ces petits instants de bonheur ou de malheur qui déterminent profondément ce que nous devenons.

Un rire, un regard, un baiser qui scellent, une amitié, un amour, une complicité. Des mots, des attitudes, des pertes qui brisent ce que l’on croyait insubmersible. Des amitiés ou des amours. Dans ces instants de vie, de grands mouvements profonds. L’instant comme une ouverture sur l’immensité. L’instant comme marqueur d’une bascule.

Infusant en nous, ils participent à la construction de notre sensibilité et de notre rapport sensible au monde. Cette semaine des instants compteront peut-être pour chacun et chacune d’entre nous. Ils seront notre jardin secret ou éclateront au grand jour. Collectivement nous vivrons l’ouverture du procès des attentats du 13 novembre. Ou comment notre démocratie si perfectible va pourtant juger équitablement ceux qui ont tenté de la détruire. Loin de ce que pu être Guantanamo, par exemple. Il faut se sentir fier de notre capacité collective à faire cela.

Dans un roman récent, intitulé « La définition du bonheur », Catherine Cusset met en scène Clarisse et Eve. L’une croit que le bonheur se construit sur le long court, l’autre au contraire pense que celui-ci existe dans le fragment, sous forme de pépite qui brille d’un éclat singulier, même si cet éclat précède la chute. Question philosophique intéressante pour un dimanche matin. Question philosophique structurante peut-être, même. Dans son très beau papier venu d’Italie que nous publions cette semaine, Alain Louyot nous assure que les « Italiens partent chaque matin à la chasse au bonheur » et nous invite à leur emboîter le pas. Les amis, chassons le bonheur qu’il soit fugace ou de longue durée, ce sera toujours ça de gagné !

Bon dimanche de beaux instants

L’édito paraît le dimanche dans l’Ernestine, notre lettre inspirante (inscrivez-vous c’est gratuit) et le lundi sur le site (abonnez-vous pour soutenir notre démarche)

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