La couverture qui a attrapé le regard de Tanguy Leclerc, ce mois-ci, est celle du roman de John Okada, "no no boy", qui relate un épisode oublié de la Seconde Guerre mondiale. Une sublime illustration qui mixe les drapeaux américain et japonais et sert à merveille l’évocation touchante et lucide d’une Amérique où les tensions raciales ne s’apaisent jamais.
« Hier, 7 décembre 1941, une date qui restera marquée par l’infamie (…) ». C'est par ces mots que Franklin Roosevelt commença son discours devant le Congrès des États-Unis le lendemain de l’attaque de Pearl Harbor par l’armée impériale du Japon, pour demander la votation de l'état de guerre aux sénateurs, ce qu'ils firent par acclamation. Ces mots, impitoyables, changèrent le cours de l’Histoire. Mais aussi, et c’est moins connu, le destin de milliers de Nippo-Américains.
Par l’usage du mot « infamie », le Président Roosevelt couvrait soudainement d’opprobre ces citoyens immigrés dont la seule faute était d’être d’origine japonaise. Victimes collatérales de l’attaque de Pearl Harbor, ils furent plus de cent mille à être internés dans des camps répartis à travers le pays. Du jour au lendemain, ils virent leurs libertés restreintes, leurs droits reniés, leur identité stigmatisée.
Le titre du roman de John Okada, "no no boy", fait référence aux jeunes Nisei (les Japonais-Américains de seconde génération) qui refusèrent de répondre par l’affirmative à deux questions qui leur furent posées dans un questionnaire par le ministère de la guerre en 1943 afin de tester leur loyauté.
Ces deux questions, les n°27 et 28, étaient : Êtes-vous prêts à rejoindre les forces armées des États-Unis et à participer aux combats lorsque cela vous sera demandé ? Êtes-vous disposé à prêter allégeance aux États-Unis d’Amérique et à renoncer à tout forme de soumission ou d’obéissance à l’empereur du Japon ou à d’autres gouvernements, puissances ou organisations étrangères ?
Leur refus eut des conséquences dramatiques. D’une part parce que ces réfractaires furent emprisonnés jusqu’à la fin de la guerre. Et d’autre part car ils furent mis au ban de la société à leur sortie de prison.
Cette vie qui vole brusquement en éclat et la douloureuse quête identitaire qui s’en suit sont brillamment illustrées par la couverture saisissante du roman de John Okada, lui-même victime des internements. Le dessin mixe habilement le drapeau du soleil levant (Kyokujitsuki), utilisé par l’Armée impériale japonaise pendant la Seconde Guerre mondiale, et le Stars and Stripes américain.
Le visuel symbolise la dualité si difficile à porter pour ceux qui durent se reconstruire à l’issue du conflit, puisque ni tout à fait américains, ni tout à fait japonais. Ce drapeau factice représente l’impossible alliance de deux cultures opposées. La faute à un pays d’accueil à la rancœur tenace, et à des racines familiales dont il est difficile de se défaire.
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