Il y a 5 ans, les attentats du 13 novembre avaient lieu à Paris tuant 130 personnes. Neuf mois après les massacres de Charlie Hebdo, de Montrouge et de l’Hyper Cacher. Ne jamais oublier. Pour se souvenir, un livre du vendredi en forme d’hommage.
“Cet hiver-là fut un cauchemar. Ils ont pourtant tout partagé, ensemble ils ne s’ennuient jamais, et ils ont en commun quelque chose d’indestructible. Ils aiment leur enfant, ils aiment Paris, ils aiment l’Espagne, une partie de la Suisse, les Dolomites et skier dans le Voralberg en Autriche (…) Ce fut bel et bien la fin de notre première période parisienne, et Paris ne fut plus jamais le même. C’était pourtant toujours Paris, et s’il changeait, vous changiez en même temps que lui. Mais ce n’était plus le Paris de notre jeunesse, au temps où nous étions très pauvres et très heureux.” Ces mots sont issus de “Paris est une fête” d’Ernest Hemingway. Ce livre de jeunesse du grand Ernest dans lequel il livre un cri joyeux d’amour à Paris fut redécouvert à la suite des attentats du 13 novembre 2015 où 130 personnes trouvèrent la mort au Stade de France, au Bataclan, aux terrasses des restaurants. Il fut brandi comme un signe de résistance. “Ils ont les armes. On les emmerde, on a le champagne”, disait la Une de Charlie Hebdo paru juste après le drame.
La France et son hédonisme, la France et sa laïcité, la France et sa liberté, la France et son art de vivre, la France et sa capacité de faire un, voilà ce qui fut attaqué ce jour-là et qui l’est toujours, cinq ans plus tard. “Vous nous faites chier” disions nous récemment. C’est toujours le cas. Certainement que parce que nous sommes la France, nous les faisons chier aussi. Et nous n’arrêterons jamais. Sinon…
Relisons encore Hemingway : “Il n’y a jamais de fin à Paris et le souvenir qu’en gardent tous ceux qui y ont vécu diffère d’une personne à l’autre. […] Paris valait toujours la peine, et vous receviez toujours quelque chose en retour de ce que vous lui donniez.” Ne rien céder, ne rien abandonner. Jamais. “J’appris, à la même époque, que tout ce qu’on abandonne, bon ou mauvais, laisse un sentiment de vide. Mais si c’était quelque chose de mauvais, le vide se comblait tout seul. Dans le cas contraire, il fallait trouver quelque chose de meilleur pour refaire le plein.” Refaire le plein. Réaffirmer nos valeurs. Toujours. Et s’insurger aussi contre les barbares qui veulent nous infliger leur code de valeur. Tiens, ça aussi, le grand Hem’ en parlait, en creux. “Les gens qui se mêlaient de votre vie le faisaient toujours pour votre bien, et je finis par comprendre que ce qu’ils voulaient, c’était que l’on se conforme aveuglément à un code de valeurs superficiel sans jamais en dévier, et que l’on se divertisse à la manière d’un voyageur de commerce lors d’un congrès, autrement dit de la façon la plus bête et la plus ennuyeuse qui soit. Ces gens ne savaient rien de nos petits plaisirs, ni ne savaient à quel point il était drôle de se savoir irrécupérables, ils ne le sauraient ni maintenant ni jamais.”
Incarner, toujours, notre message universaliste
Parce que le 13 novembre, comme le 7 janvier, ou le 14 juillet, et le 16 octobre où Samuel Paty fut assassiné sont des dates qui obligent forcément à penser et repenser notre monde, parce qu’elles sont des moments où il faut savoir se lever et dire non, pour ce que nous aimons de la France, parce qu’elles sont des dates qui viennent profondément rappeler que le message universaliste, fraternel, libre et joyeux de la France dérange profondément, il nous faut toujours plus l’habiter, l’incarner, le cultiver, le faire vivre. Sans compromis. Sans jamais transiger. Ce sont des moments de bascule. Il nous faut en prendre conscience et savoir comment prendre les décision organiques. De celles qui comptent vraiment.
Dans son livre “Ode à celui qui fut la France”, dédié au Général de Gaulle, Romain Gary parlant de la décision de déserter pour rejoindre la “France libre” écrit : “Il est difficile de comprendre aujourd’hui ce que signifiaient en 1940-1941, les mots « Français Libres », en termes de déchirement, de rupture et de fidélité. Nous vivons une époque de cocasse facilité, où les « révolutionnaires » refusent le risque et réclament le droit de détruire sans être menacés eux-mêmes. Pour nous, il fallait rompre avec la France du moment pour demeurer fidèles à la France historique, celle de Montaigne, de Gambetta et de Jaurès, ou, comme devait écrire de Gaulle, pour demeurer fidèles « à une certaine idée de la France ».
Pour assumer cette fidélité, il fallait que nous acceptions d’être déserteurs, condamnés à mort par contumace, abandonner nos familles, se joindre aux troupes britanniques, au moment même où la flotte anglaise venait de couler la flotte française à Mers-el-Kébir. Tout cela alors que plus de 80 % des Français étaient fermement derrière Pétain. Il fallait avoir une foi singulièrement sourde et aveugle pour être sûr d’être fidèle. Je ne prétends point que chacun de nous s’était livré à ces douloureux examens de conscience avant de « déserter ». Ce ne fut pas mon cas, en tout cas.
Ma décision fut organique. Elle avait été prise pour moi bien avant ma naissance, alors que mes ancêtres campaient dans la steppe de l’Asie centrale, par les encyclopédistes, les poètes, les cathédrales, la Révolution et par tout ce que j’avais appris au lycée de Nice des hommes tels que le professeur Louis Oriol. J’avais « déserté » de mon escadre de l’École de l’air pour passer en Angleterre « dans le mouvement », en quelque sorte, et j’entends par là le mouvement historique, le brassage des siècles.”
Puissions nous être capables, encore, de prendre des décisions organiques mues par le mouvement historique et le brassage des siècles. Puissions nous être dignes de notre message, de notre pays et de ces 130 morts du 13 novembre dont il convient, encore et toujours de dire et d’écrire les noms.
Stéphane Albertini, 39 ans
Nick Alexander, 35 ans
Jean-Jacques Amiot, 68 ans
Armelle Anticevic-Pumir, 46 ans
Anne-Laure Arruebo, 36 ans
Thomas Ayad, 32 ans
Guillaume Barreau-Decherf, 43 ans
Alva Berglund, 23 ans
René Bichon, 62 ans
Chloé Boissinot, 27 ans
Emmanuel Bonnet, 47 ans
Maxime Bouffard, 26 ans
Quentin Boulenger, 29 ans
Macathéo Boumbas, 40 ans
Élodie Breuil, 23 ans
Ciprian Calciu, 32 ans
Lacrimioara Pop, 29 ans
Claire Camax, 34 ans
Nicolas Catinat, 37 ans
Baptiste Chevreau, 24 ans
Nicolas Classeau, 43 ans
Manuel Colaco-Dias, 63 ans
Anne Cornet épouse Guyomard, 29 ans
Précilia Correia, 35 ans
Cécile Coudon Peccadeau de l’Isle, 37 ans
Marie-Aimée Dalloz, 34 ans
Véronique de Bourgies, 54 ans
Aurélie de Peretti, 33 ans
Matthieu de Rorthais, 32 ans
Nicolas Degenhardt, 37 ans
Elsa Deplace, 35 ans
Alban Denuit, 32 ans
Vincent Detoc, 38 ans
Atsa Diakité, 35 ans
Romain Didier, 32 ans
Lucie Dietrich, 37 ans
Elif Dogan, 27 ans
Fabrice Dubois, 46 ans
Romain Dunet, 28 ans
Thomas Duperron, 30 ans
Justine Éléonore Dupont, 34 ans
Mathias Dymarski, 22 ans
Marie Lausch, 23 ans
Saleh Emad El Gebaly, 28 ans
Germain Ferey, 36 ans
Romain Feuillade, 31 ans
Grégory Fosse, 28 ans
Christophe Foultier, 39 ans
Julien Galisson, 32 ans
Suzon Garrigues, 21 ans
Mayeul Gaubert, 30 ans
Michelli Gil Jaimez, 29 ans
Cédric Ginestou, 27 ans
Matthieu Giroud, 38 ans
Cédric Gomet, 30 ans
Nohemi Gonzalez, 23 ans
Juan Alberto González Garrido, 29 ans
Pierre-Yves Guyomard, 43 ans
Stéphane Hache, 52 ans
Thierry Hardouin, 41 ans
Olivier Hauducoeur, 44 ans
Frédéric Henninot, 45 ans
Pierre-Antoine Henry, 36 ans
Raphaël Hilz, 28 ans
Mathieu Hoche, 37 ans
Djamila Houd, 41 ans
Mohamed Amine Ibnolmobarak, 29 ans
Pierre Innocenti, 40 ans
Nathalie Jardin, 31 ans
Marion Jouanneau, 24 ans
Milko Pierre Jozic, 47 ans
Jean-Jacques Kirchheim, 44 ans
Hyacinthe Koma, 36 ans
Nathalie Lauraine, 39 ans
Guillaume Le Dramp, 33 ans
Renaud Le Guen, 29 ans
Gilles Leclerc, 32 ans
Christophe Lellouche, 33 ans
Claire Maîtrot-Tapprest, 24 ans
Cécile Martin, 33 ans
Antoine Mary, 34 ans
Cédric Mauduit, 41 ans
Charlotte Meaud, 29 ans
Emilie Meaud, 29 ans
Isabelle Merlin, 44 ans
Fanny Minot, 29 ans
Yannick Minvielle, 39 ans
Cécile Alexandra Misse, 32 ans
Lamia Mondeguer, 30 ans
Marie-Charlotte Mosser, 24 ans
Justine Moulin, 23 ans
Quentin Mourier, 29 ans
Victor Muñoz, 24 ans
Christophe Mutez, 48 ans
Hélène Muyal-Leiris, 35 ans
Romain Naufle, 31 ans
Bertrand Navarret, 38 ans
Christopher Neuet-Shalter Bodineau, 39 ans
Lola Ouzounian, 17 ans
David Perchirin, 41 ans
Manuel Perez, 40 ans
Anna Petard-Lieffrig, 24 ans
Marion Petard-Lieffrig, 27 ans
Franck Pitiot, 23 ans
Caroline Prénat, 24 ans
François-Xavier Prévost, 29 ans
Sébastien Proisy, 37 ans
Richard Rammant, 54 ans
Valentin Ribet, 26 ans
Estelle Rouat, 25 ans
Thibault Rousse Lacordaire, 36 ans
Raphaël Ruiz, 37 ans
Hodda Saadi, 35 ans
Halima Saadi épouse N’Diyae, 36 ans
Madeleine Sadin, 30 ans
Kheireddine Sahbi, 29 ans
Lola Salines, 29 ans
Patricia del Carmen San Martin Nunez épouse Sobo, 61 ans
Hugo Sarrade, 23 ans
Djalal Sebââ, 31 ans
Maud Serrault, 37 ans
Sven Alejandro Silva Perugini, 29 ans
Valeria Solesin, 28 ans
Fabian Stech, 51 ans
Ariane Theiller, 24 ans
Eric Thomé, 39 ans
Olivier Vernadal, 44 ans
Stella Verry, 37 ans
Luis Felipe Zschoche, 33 ans
Tous les livres du vendredi sont là.
[…] en choisissant la France libre et la résistance, une décision organique au sens de Romain Gary (nous en parlions ici). Ce passé plein d’à-présent s’incarne aussi dans l’implication pleine, […]