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Sans la liberté, sans intérêt

Ernest Mag Liberte

Dans Paris, en ce moment, il est de bon ton de vanter les mérites de cet essai. De souligner la liberté d’esprit folle de l’auteur. Chez Ernest, comme souvent, on fait autrement. Frédéric Potier a lu l’essai de François Sureau et rend un verdict sans appel : passez votre chemin.

Par Frédéric Potier

L’avocat François Sureau n’aime ni les ministres de l’intérieur, ni les préfets, ni les policiers, ni les gendarmes, ni les juges. C’est dommage, mais c’est son droit.  Moi, j’aime les avocats. J’aime les avocats car j’ai toujours considéré qu’ils participaient à l’essence même de la Justice, à savoir la manifestation de la vérité qui ne peut éclater sans un examen scrupuleux de l’ensemble des points de vues. Et de fait, les meilleurs d’entre eux, par leurs plaidoiries, sont capables d’arracher au jury un acquittement hautement improbable tout autant qu’une condamnation sur laquelle personne n’aurait parié. François Sureau a choisi d’écrire un pamphlet à charge, publié par Gallimard, à la thèse très discutable : les libertés reculent inexorablement sous la pression médiatique et avec la complicité active de l’État.

Une exagération systématique

SureaucouvLe style pamphlétaire, dans la grande tradition voltairienne de notre pays, suppose une part de caricature et d’exagération. Hélas, le petit essai de Maître Sureau tombe dans l’exagération systématique alors même que analyse de la situation des libertés en France aurait mérité un regard impartial, plus nuancé et lucide. L’auteur dépeint en effet notre pays comme un régime orwélien gouverné par des Pinochet en puissance, secondés par des petits Fouché violant tous les jours les libertés fondamentales. Extraits : “les libertés ne sont plus un droit mais une concession du pouvoir, une faculté susceptible d’être réduite, restreinte, contrôlée autant dans sa nature que dans son contenu” ; “la chasse à la liberté d’expression est ouverte” ; “nous n’avons plus ni vraiment de libertés ni vraiment de Gouvernement” (les intéressés apprécieront la saillie venant d’un marcheur de la première heure…). Les policiers et les gendarmes sont aimablement qualifiés de “forces de la répression” (on dirait le Mélenchon des mauvais jours…). Encore un peu et on s’attendrait à ce que l’auteur nous annonce le retour des lettres de cachets… Diantre. Fichtre ! Tonnerre de Brest ! Bachibouzouk, l’heure est grave ! Tous à la barricade… ou à la Bastille ! Citoyens, sortons les baïonnettes, la tyrannie est au coin de la rue !

Plutôt que de lire ce livre, allez au théâtre

Plus sérieusement, évidemment que les dernières lois adoptées sous la pression terroriste peuvent poser débats. Tout comme les doctrines de maintien de l’ordre. Tout comme les dernières lois visant à lutter contre la désinformation électorale ou les contenus de haine sur Internet (je les défendrai quant à moi mordicus). Mais ignorer à ce point les avancées de la dernière décennie telles que la mise en place de la question prioritaire de constitutionnalité depuis 2008 (QPC pour les initiés) par exemple ou l’extension régulière du champ des droits et des libertés sociétales (mariage pour tous, PMA…etc) ou du contrôle parlementaire c’est faire preuve d’une certaine mauvaise foi.
Mon verdict : ami lecteur, garde tes 3,90 euros pour un café allongé en terrasse. Et si tu aimes comme moi les avocats et les effets de manche, Richard Berry joue encore à merveille à Paris une excellente pièce intitulée Plaidoiries.

Toutes les inspirations d’Ernest sont là.

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