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Éteignez BFM, lisez Jarousseau !

Ernest Mag Jarousseau

Il est souvent de bon ton de critiquer la profession de journaliste dans son ensemble en faisant des amalgames et des raccourcis et en comparant des choses incomparables. Et pourtant, il y a des lieux où les informations sont simplifiées à l’extrême, montées en épingle, mal reportées et surtout surtout jamais remises en perspective, et il y a les des espaces de journalisme où au contraire, le journalisme a ceci de grand et d’immense qu’il donne à comprendre la complexité et “élève le peuple en élevant son langage” comme l’écrivait Albert Camus. Vincent Jarousseau est évidemment de cette trempe là. Il publie cette semaine chez les Arènes un objet littéraire et journalistique non identifié mais indispensable pour comprendre la crise actuelle de notre pays. Ce livre s’appelle les “Racines de la colère : deux ans d’enquête dans une France qui n’est pas en marche”. Référence aux “raisins de la colère” de Steinbeck. Depuis deux ans, quelques semaines avant l’élection d’Emmanuel Macron, Vincent Jarousseau photojournaliste s’est installé à Denain petite ville de 20000 habitants dans le nort de la France. Il y suit le quotidien de famille issus de milieux populaires. Ces fameux invisibles de la République que Vincent prend en photo et raconte durant deux ans dans différents médias.

Un concentré d’intelligence, des portraits sublimes et émouvants

Puis en novembre l’irruption des Gilets Jaunes a pris tout le monde de cours. Sauf Vincent. Lui, il avait tout le matériel nécessaire pour comprendre, pour analyser, pour donner à voir. Il avait senti le décalage entre l’injonction “En marche” et les difficultés rencontrées au quotidien par Bernadette, Loïc, Tatiana, Adrien ou Jean-Yves. Son livre qui mêle récit et photo sous la forme d’un roman photo puissant et fort donne des clés de compréhension indispensables pour saisir ce que le pays traverse actuellement. Surtout, dans les portraits qu’il fait Vincent Jarousseau ne juge pas. Il raconte, il donne la parole aux autres. Ceux qui ne la prennent jamais. Le travail de Vincent Jarousseau est certainement l’une des choses les plus intelligentes  pour aller en profondeur dans ce pays que l’on ne voit pas. Pour s’immerger avec lui et pour sortir des clichés blancs ou noirs sur cette question des Gilets Jaunes et plus largement de ce mouvement d’un genre nouveau, porté par des gens qui n’étaient pas destinés à cela. Ce travail est un travail d’orfèvre dans l’interstice grise. Celle de l’intelligence humaine et de la complexité. Eteignez BFM, lisez et regardez (puisque les photos sont superbes) Jarousseau, vous en sortirez plus forts, et mieux armés pour comprendre.

“Les racines de la colère”, Vincent Jarousseau, Les Arènes, 22 euros.

Tous les vendredislecture d’Ernest sont là.

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