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Quand le bonheur ne fait pas le bonheur

Ernest Le Livre Du Vendredi Akrich

Chez #Infuturewebelieve, il y a des “process”, des “to do”,  et des “happiness manager”. Dans “un monde nouveau”, le dernier roman de la talentueuse Anne Akrich, nous suivons Pandore “Happiness Manager” ainsi qu’une dizaine de collaborateurs qui sont jugés sur leur capacité à être heureux ou plutôt “Happy” ou non. Dans ce portrait au vitriol d’une entreprise de la fameuse “start-up nation”, Akrich insiste sur la culture du bonheur, sur cette injonction permanente à être “happy”.  L’autrice choisit de faire se succéder les  différentes trajectoires des personnages qui viennent se “confesser” auprès de Pandore, la fameuse happiness manager de #Infuturewebelieve. Et tous les maux du management moderne y passent : le manager qui se prend pour dieu le père, la stagiaire prête à toutes les concessions pour entrer dans le moule, le quadra qui veut “trouver enfin du sens” à son existence et qui malgré tout l’argent qu’il gagne chez #Infuturewebelieve ne se sent pas utile et pas heureux dans son poste, l’inventeur qui veut toujours faire plus, l’employé docile qui veut toujours tout arranger, et aussi le patron perdu et dépassé par le succès et les responsabilités.

Nouvelle forme de domination

Ce livre joyeux et interpellant est un mélange de microfictions entre satire sociale et récit d’anticipation à la Black Mirror. Anne Akrich fait osciller sa plume entre la fantaisie et l’humour féroce.  Elle peint des personnages perdus par le non sens du monde moderne. Même ceux qui sont notés very happy lors des entretiens d’évaluations ont des comportements déviants et surtout ne savent plus très bien pourquoi ils sont “happy”. Plus largement, ce roman interroge l’utopie progressiste du bonheur avec parfois quelques ficelles un peu grosses, mais on ressort de la lecture avec le sourire, et aussi toute une kyrielle de questions sur le pourquoi du comment de nos actions et de nos choix. Enfin, évidemment le titre du livre “un monde nouveau” est également un pied de nez au “nouveau monde” mis en avant par des politiques ou des entrepreneurs avec en toile de fond l’idéologie du bonheur qui poussée à un certain point n’est autre qu’une nouvelle forme de domination. “Il faut que tout change pour que rien ne change”, disait le Guépard de Tomasi de Lampedusa. Cela n’a jamais été autant d’actualité.

Anne Akrich, “Un monde nouveau”, éditions Julliard, 18 euros.

Tous les vendredis lecture d’Ernest sont là.

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