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Encre d’avenir

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Septembre est là. Les mirabelles sont sur les étals des marchés, les cartables se préparent. L’été se retire doucement, emportant avec lui ses promesses de légèreté et de chaleur, laissant des questions. Toujours présentes. A la rentrée elles s’accumulent comme les feuilles mortes bientôt sur nos trottoirs. Des questions politiques, d’abord. Que ferons-nous d’un si bel été olympique ? Pourrons-nous y trouver les ressources pour inventer à nouveau une France en commun. Loin des oukases extrémistes des deux bords ? Des interrogations de choix de vie aussi, pour nombre d’entre nous, avec une sorte de bilan personnel qui revient à chaque moment où l’on se targue de vouloir prendre des résolutions.

Où en sommes-nous, que désirons-nous vraiment ? Et puis il y a ces amours que l’on croyait éteints, mais qui continuent de faire battre notre cœur, en silence, comme des échos obstinés. Pourquoi ? A quoi cela rime-t-il, finalement ? Blessure, toujours. Des questions qui viennent recouvrir partiellement de leur grisaille tendance le soleil de l’été pour faire oublier ce qui, pendant quelques semaines, semblait pourtant plus simple, plus lumineux.

Ces questions sont le reflet des incertitudes contemporaines, de ce monde qui semble toujours prêt à basculer d’un instant à l’autre. Et nous voilà, à chercher des réponses dans le fracas d’une actualité tumultueuse, qui ne nous laisse que peu de répit. Vouloir comprendre, donner un sens à ce qui paraît parfois absurde, violent, injuste. Mais où trouver ce sens ? Où trouver ces réponses qui nous échappent ?

Avec Septembre, vient aussi toujours une lumière. Une lumière que l’on trouve dans les mots, dans ces histoires qui nous attendent sur les étals des librairies. Car la rentrée littéraire est là, et avec elle, cette bouffée d’oxygène, cette célébration discrète mais essentielle des mots, des phrases, des récits qui nourrissent nos âmes. C’est le moment où l’on croit encore au pouvoir des livres pour répondre à nos questions les plus pressantes, ou du moins pour nous offrir un peu de répit. Nous permettre de changer de lunettes, le temps de quelques centaines de pages. Décentrer le regard. Vivre encore l’expérience sensible de la littérature.

La littérature, dans son infinie diversité, ne nous dit pas seulement ce que nous sommes ; elle nous montre aussi ce que nous pourrions être. Elle éclaire les zones d’ombre, elle redonne de la couleur à nos existences parfois monochromes. Certains livres résonnent particulièrement avec l’actualité, douloureuse et révoltante, de notre époque.
« Le Juif rouge » (dont nous vous parlons ici) nous rappelle, à travers ses pages, que le spectre de l’antisémitisme est toujours là, qu’il continue de hanter notre société et de menacer notre humanité. L’urgence de se souvenir, de combattre, de s’indigner est plus que jamais nécessaire. La littérature devient alors un acte de résistance, un rempart contre l’oubli et l’indifférence. Et puis, il y a ce souffle d’espoir, cette invitation à la bienveillance de l’esprit humain que nous offre Etienne Kern avec « La vie meilleure ». Ce livre, qui relate la vie d’Émile Coué, nous montre que nos esprits sont capables de grandes choses, que la force de l’autosuggestion peut parfois nous conduire à des merveilles insoupçonnées. Ce que Coué nous apprend, c’est qu’il existe une puissance intérieure en chacun de nous, une capacité à transformer notre réalité, à faire de nos doutes une source de renouveau. N’est-ce pas ce que nous devons chercher, collectivement, en cette rentrée ?

Songer aux mots de Vladimir Jankélévitch: “Le pardon est un acte de foi dans l’avenir humain.”  C’est cet acte de foi que la littérature nous invite à accomplir, à chaque page tournée, à chaque livre refermé. Croire que, malgré tout, quelque chose de plus grand, de plus lumineux, nous attend de l’autre côté de nos peurs, de nos chagrins, de nos incertitudes. Croire que le récit peut nous emmener là où la réalité nous semble trop étroite, trop figée.

Car c’est bien là le rôle de la littérature : offrir des réponses aux questions que nous n’osons parfois même plus poser. Entre le réel et la fiction, le fil est ténu, fragile, mais il est aussi le lieu de toutes les réconciliations possibles. Que nos fictions, individuelles et collectives, deviennent de jolies réalités. “Il n’y a que deux attitudes possibles avec la vie : ou on la rêve ou on l’accomplit”, rappelait René Char. Que cette nouvelle année qui s’annonce soit celle où nous choisirons de croire en ce pouvoir-là, celui des mots et des histoires pour réinventer nos vies, pour les rendre plus belles, plus justes. Pour les accomplir. Individuellement et collectivement.

Alors, lisons, encore et toujours, pour ne jamais cesser de croire que tout est possible. Lisons, pour inventer demain.

Bon dimanche et bonne rentrée,

Tous les éditos d’Ernest sont là.

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