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Le noir est québecois !

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Chacune avec son propre style, Roxanne Bouchard et Andrée A. Michaud ont sorti de l’anonymat le roman policier québécois, enracinant dans leur culture des drames qui parlent à tout le monde. Rencontres.

Ressentir un dépaysement en lisant un livre pensé et écrit en français, curieuse impression. Voici deux écrivaines dont la langue bat sur un rythme et des mélodies qui commencent par nous surprendre avant, très vite, de nous charmer. Leurs personnages masquent une sensibilité explosive sous leur apparente rudesse, leurs intrigues provinciales tiennent la route au-delà des frontières. Sur une trame policière discrète, Roxanne Bouchard et Andrée A. Michaud mènent une observation fouillée de leurs semblables. C’est le principal air de famille entre ces deux romancières aux parcours et aux personnalités bien distincts, qui apportent un souffle nouveau au roman noir francophone.

Roxanne Bouchard : « Me décoloniser de la littérature française »

Roxanne Bouchard Crédit Pierre Luc LandrevilleIl a fallu une rupture avec son « chum » musicien, en 2005, pour que la première se découvre, en début de trentaine, un talent pour la fiction. « On s’était séparés entre Noël et le jour de l’An et j’ai eu l’idée de me remettre à la voile pour me sortir de mes habitudes et de mon confort, nous confie Roxanne Bouchard, en visio depuis sa maison de Joliette, au nord de Montréal. L’été suivant, j’ai embarqué dans une quarantaine de voiliers différents, pour des cours ou des régates, et c’est là que j’ai rencontré des pêcheurs. On se croisait tôt le matin sur le quai et j’ai commencé à prendre des notes ». Les choses vues et entendues au débarquement des paniers à crevettes ou des casiers à homards vont lui inspirer un livre. « Ce qu’on attend des pêcheurs, ce n’est pas qu’ils nous racontent qu’ils ont juste pris trois petits flétans, c’est qu’ils nous racontent de grosses pêches, des mers énormes, comme si on voulait qu’ils nous mentent. C’est un univers où le mensonge est accepté et je me suis demandé ce que ça donnerait si l’un d’eux remontait un mort dans ses filets. »