1 min

Drôle d’amour

Le Livre Du Vendredi Twitter 1000x500(20)

Au temps de Shakespeare ce qui pouvait rendre tragique une histoire d’amour émanait surtout des rivalités entre les familles et de leur positions par rapport aux seigneurs locaux. En 2016, en Angleterre ce qui peut désunir ou contrarier les amours ne tient plus sur la question des seigneurs, mais a tout de même des similitudes avec les tragédies shakespeariennes. Dans le livre de cette semaine, nous ne sommes pas dans la tragédie, mais plutôt dans la tragi-comédie où les mots viennent dire les fossés autant que les passerelles entre les personnages. Il y a Joseph. Et il y a Lucy. Il a 22 ans. Elle en a 42. Il est noir et issu d’une classe sociale plutôt défavorisée, enchaîne les petits boulots, notamment celui de serveur à la boucherie du quartier bobo de Londres dans lequel vit Lucy ainsi que celui de baby-sitter des deux rejetons de Lucy. Ce pitch pourrait tout revêtir du livre raté. C’est tout le contraire.

Poétique du quotidien

Lucy et Joseph sont attirés l’un par l’autre. Ils tâtonnent. Ils hésitent. S’interrogent sur ce que cela signifie au moment où ils succombent à leur envie l’un de l’autre. N’osent pas vivre leur amour au grand jour. La faute, certes, à l’écart d’âge, la faute aussi aux regards des autres. mais surtout la faute à leurs perceptions différentes du monde et de la réalité. De ce que doit faire l’Angleterre par rapport au référendum sur le Brexit qui doit bientôt avoir lieu. Et d’ailleurs, tous les deux sont-ils en phase ? Et quid de leurs familles ?

Dans un style enlevé, rempli de dialogues savoureux et riches, Hornby dans la verve qui a fait son succès (High Fidelity, A propos d’un garçon, Un mariage en 10 actes etc.) ausculte ce qui sépare, comme ce qui rapproche les individus. Dans un style et dans une approche faussement naïve, il traite toutes les questions actuelles. Celle du fossé entre les individus. Celle des perceptions du monde complètement déphasées, mais aussi de ce qui peut séparer deux êtres qui s’aiment. C’est par l’humour et le dialogue que sont traitées les questions de différence d’âge et de couleur de peau qui, si elles sont centrales, ne déterminent finalement ni la nature ni le destin de cette relation. Hornby met aussi en lumière cette façon dont la classe sociale peut (parfois, souvent, toujours, rayez la mention inutile) être un puissant frein à l’amour. A moins que… En refermant “Tout comme moi”, le lecteur a le sourire. Non seulement il a réfléchi sur l’époque mais s’est aussi laissé bercer par une douce poétique de l’amour et du quotidien.

“Tout comme moi”, Nick Hornby, Stock, 22,90 euros

Tous les livres du vendredi d’Ernest sont là.

Laisser un commentaire