Sa voix est claire. Lumineuse. Ses éclats de rire aussi. Entre polar, poésie, roman et histoire de l’art, Claire Berest nous invite à, nous aussi, aimer « ses » Verlaine, Duras, Kessel, Aubenas et Capote. Sans artifice.
« On fait souvent pour les autres ce que l’on aime pour soi. A chaque fois que, dans ma vie, on m’offre un livre, c’est une sorte de joie et d’étourdissement. Cela a la qualité d’un « cadeau » accessible à tout le monde. Tout le monde peut acheter un poche ou un grand format si on a un peu plus de sous. Il n’y a pas besoin de beaucoup d’argent. C’est à la fois populaire et universel. Au-delà de l’objet, on offre un bout du monde qui nous a permis de vivre. Ce cadeau est inouï et pas quantifiable. J’adore que l’on m’en offre et j’adore offrir des livres aussi.
On va offrir certains livres à différentes saisons ou périodes. Je vais en offrir certains énormément et d’autres à un moment donné car, à cet instant, ils résonnent très fort. C’est un peu comme une lecture secrète de l’inconscient de celui qui l’offre. Avoir envie d’offrir un polar, un essai, de la poésie ou un roman dit énormément de notre psyché. C’est une manière de dire « je t’offre un bout de moi, de mon inconscient ».
Quand je prévois d’offrir un livre à quelqu’un que je ne connais pas bien ou que je viens de rencontrer, je me demande ce que je connais d’elle ou ce que je pourrais partager avec elle. En règle générale, j’offre des livres à des personnes que je connais et que j’aime, donc cela se joue dans l’immédiateté. Je peux rentrer dans une librairie et me laisser guidée par les étagères. « Tiens, celui-là, je l’avais adoré », ce sera parfait. Je peux penser à un livre que je suis entrain de découvrir ou à mes fameux « jokers », ces ouvrages qui me suivent. C’est de l’ordre de la pulsion. Comme une respiration. Offrir un livre est comme un baiser. Je te donne de moi. Cela reste très instinctif, de l’ordre du corps et de l’immédiateté.
J’ai offert récemment Rimbaud, le fils, de Pierre Michon (Gallimard). Ce livre est complexe à lire. Il m’a donné une immense claque. Il demande une sorte d’ascèse, d’ambiance. Je me suis rendu compte que mon père n’avait jamais lu Pierre Michon. Il est scientifique, donc il a lu énormément, mais dans sa partie. En ce moment, il lit beaucoup plus que d’habitude, donc je souhaitais l’inviter à découvrir cet auteur, un des plus grands vivants. Avec ma mère, nous partageons l’amour des polars. Il y en avait tellement dans la maison. Nous sommes les deux fans de la famille et d’ailleurs cela a créé, entre nous, une discussion jamais interrompue. Je lui ai offert Je suis Pilgrim de Terry Hayes (Editions JC Lattès). J’ai pris une grosse claque là aussi. En le lisant, quand je suis dans les cent dernières pages, que nous sommes le soir, et que je n’arrive pas à le lâcher, je peux me faire un trois-quatre du mat… même si je me lève tôt (rires) ! Quand j’arrive aux dix dernières pages, je sors de la chambre sans faire de bruit. Je vais fumer seule une cigarette pour finir les dernières pages. En lisant le livre, je me disais qu’il était vraiment un enfant croisé en Raymond Chandler et John Le Carré. Quand je l’ai terminé, j’étais tellement impressionnée que j’ai relu l’exergue des premières pages du début. Et je me suis rendue compte que c’étaient des citations de ces deux auteurs.
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