Voilà un essai qui fera, à n’en pas douter, date. Marie Charrel, journaliste au Monde et romancière (nous l’avions rencontrée ici et dit du bien de ses livres ici) publie aux Editions Les Pérégrines dans la collection dirigée par Adeline Fleury : “Qui a peur des vieilles ?”. Dans ce texte important Charrel s’interroge : pourquoi passé un certain âge, les femmes sont-elles rendues invisibles par la société ? Par sa publicité, par ses films, par ses arts, etc… Dans ce propos complet et doux, Marie Charrel questionne nos représentations, interpelle le regard des hommes, questionne le tabou de la ménopause et invite chacune et chacun quelque soit son âge à se poser la question du pourquoi du comment d’une forme d’invisibilisation des vieilles. Loin d’être dogmatique et caricatural, le propos est fin, intelligent, et mesuré. Plein de profondeur.
La vieillesse, une liberté
Il fait d’ailleurs écho à une interrogation plus large qui émerge dans la société. Ce livre résonne aussi avec l’initiative récente de Sophie Fontanel (nous l’avions rencontrée) de poser nue dans Elle pour, aussi, dit-elle changer le “regard sur la nudité” mais plus largement sur ce que l’on appelle pudiquement et dans un abus de langage les “femmes d’âge mûr“. Le livre de Marie Charrel est un livre de journaliste, un travail d’enquête où les témoignages sont légions et permettent de mettre en perspective les problèmes. C’est aussi un livre sur un cheminement de romancière de 38 ans qui se demande comment et pourquoi les femmes deviennent “invisibles”. C’est enfin un livre interpellant et féministe qui nous invite à penser. Un essai réussi qui fait même une belle proposition et une belle hypothèse : et si la vieillesse était un âge queer ? “Puisque l’identité des femmes est socialement définie par la fécondité et la (possible) maternité, que se passe-t-il lorsque les deux appartiennent au passé? Un espace des possibles s’entrouvre. Les règles d’autrefois se dissolvent. Un flou s’instaure”, écrit Charrel avant d’ouvrir un chemin vers une nouvelle liberté. “À l’abri des regards, des normes et des diktats liés au désir masculin façon vieille école, elles peuvent se réinventer à leur guise. “Pour les femmes, en particulier, le dernier âge représente une délivrance: toute leur vie soumises à leur mari, dévouées à leurs enfants, elles peuvent enfin se soucier d’elles-mêmes”, écrit Simone de Beauvoir.” Tous les esthètes de la vie le savent : ne pas avoir peur des vieilles est un chemin qui peut mener vers des beaux moments de liberté. A lire !
“Qui a peur des vieilles ?”, Marie Charrel, les Pérégrines.