Cette semaine, Frédéric Potier a lu le livre de Boris Vallaud (qui nous a reçu dans sa bibliothèque). Et il a beaucoup aimé. Il nous dit pourquoi !
Chères ernestiennes, chers ernestiens,
Cette petite chronique pour vous présenter un des (rares) espoirs de la gauche : Boris Vallaud, député socialiste des Landes.
Il y a une quinzaine d’années, alors que l’ENA m’avait expédié en stage à l’Ambassade de France en Algérie, les diplomates de la chancellerie ne cessaient tresser des louanges à un jeune homme, passé sur place quelques mois avant moi. Il est toujours très énervant quand on commence dans la vie professionnelle d’être comparé quotidiennement à l’un de ses prédécesseurs. Vallaud a ainsi parasité mon stage, passé à attendre le décès du président algérien Abdelaziz Bouteflika (on attend toujours).
Le brillant Boris Vallaud est par la suite devenu sous-préfet, puis conseiller d’Arnaud Montebourg avant de succéder à Emmanuel Macron comme secrétaire général adjoint de l’Élysée sous François Hollande. En mai 2017, il aurait pu comme tant d’autres rejoindre En Marche et/ou faire carrière dans le privé, mais non, il part faire campagne dans les Landes pour succéder à l’Assemblée nationale à Henri Emmanuelli, cette figure rugueuse mais attachante du socialisme français (je me souviens d’ailleurs avoir crié « Riton à Matignon ! » avec un certain David Medioni dans un meeting de Lionel Jospin en 2002…).
Un essai accessible et très riche
Car Vallaud est un peu l’anti Macron. Élu d’un territoire rural, attaché à l’État, passionné de Justice et de République, révolté par les inégalités et les discriminations Boris ne croit pas au dépassement du clivage droite/gauche.
L’essai qu’il nous livre, intitulé « un esprit de résistance » (Flammarion) reflète ce positionnement avec brio. Un essai hyper accessible, avec très peu de chiffres, sans aucune note de bas de page (personnellement, je n’arrive pas à m’en passer) écrit d’une plume vive. Amateur de formules chocs, Vallaud attaque avec férocité le bilan du gouvernement (on a l’embarras du choix). Par le style, on songe parfois au « Coup d’État permanent » de François Mitterrand : « La démocratie n’est pas fatiguée de mouvement, elle est fatiguée d’immobilité ».
On aurait cependant grand tort de limiter cet essai à un exercice de style un peu convenu. Ce petit bouquin fourmille en effet d’idées percutantes et innovantes. Il y a d’abord la volonté de repenser la notion de souveraineté démocratique, c’est à dire de la capacité des citoyens à effectuer des choix, qu’il oppose au souverainisme, souvent synonyme de repli de soi. « Il faut penser la souveraineté sans le souverainisme, sa forme étriquée sous ses airs martiaux, et débarrassée du nationalisme, sa forme dangereuse ».
Il y a aussi une impressionnante liste de propositions sociales, domaine paradoxalement trop délaissé par les élus de gauche : compte personnel d’activité, revenu de base, capital d’émancipation, assurance maladie obligatoire à 100% pour tous, l’imitation des écarts de salaires de 1 à 20, fiscalisation accrue des revenus des grands groupes, refonte de l’impôt sur le revenu et des droits de succession…
Sur un plan philosophique, l’auteur défend fortement la laïcité (qualifiée de « bienfait absolu ») ainsi qu’une forme d’universalisme que l’on pourrait qualifier de « girondin ». Citant pour notre plus grand plaisir Césaire, Jaurès et Camus, Boris Vallaud considère que la République conduit à l’universel car elle permet de « penser au-delà de soi-même, de sa condition, de ses origines (…). L’universel pour concilier le même et l’autre et pour trouver refuge dans notre commune humanité ».
Bref, des idées à la pelle, et même du souffle, ce qui est suffisamment rare pour être relevé. On attend avec impatience que de cet esprit de résistance naisse un esprit de (re)conquête. En somme, comme l’écrivait Alexandre Dumas dans le Comte de Monte-Cristo : « Attendre et espérer ».