Coquetterie : fait de vouloir faire naître du désir chez autrui. Ce mois-ci, Florian Ferry-Puymoyen dans sa chronique sur ces BD qu'il aime et qu'il partage avec vous utilise une coquetterie artistique pour vous conduire sur les routes charmantes de Garulfo. Laissez-vous séduire.
Après des BD magnifiques mais parfois un peu "lourdes" en termes de sujets, je vais vous parler d’un conte d’Alain Ayroles (scénario), Bruno Maïorana (dessin) et Thierry Prévost (couleurs).
Garulfo est une grenouille qui pense et parle. Ce batracien admire les hommes, ces « créatures admirables en tout point ».
Garulfo est un optimiste qui partage la philosophie des Lumières ; il considère que « l’homme est naturellement bon ». Hélas, le courageux amphibien a oublié la fin de la phrase : mais « la société déprave et pervertit les hommes » (Émile ou de l'éducation, Jean-Jacques Rousseau, 1762).
Il s’agira de la leçon du premier cycle (2 tomes) : Garulfo, grâce à l’aide d’une sorcière, prend forme humaine dans le corps d’un prince.
Dans le second cycle (tomes 3 à 6), les rôles sont inversés ou plutôt nous voyons l’histoire du côté de Romuald, le prince dont Garulfo avait occupé le corps dans les deux premiers tomes.
Tout au long de ces 6 tomes, il y a beaucoup de seconds sens, qui vont au-delà de la simple histoire pour enfant. D’ailleurs Noémie, la gouvernante, avertit la princesse Héphylie : « on est parfois surpris de voir combien ce qu’ils [les contes] décrivent résume la vie, ses détours et ses mystères ».
Pour donner quelques éclairages sur la pluralité des grilles de lecture de Garulfo, je vais parler de cette BD en la comparant à… Matrix, le film des Wachowski dont nous fêtons cette année le 20ème anniversaire (ça ne nous rajeunit pas...).
Bien-sûr, ces parallèles sont surtout formels : le fond de l’histoire (conte de fée au Moyen Âge vs. science-fiction cyberpunk) comme la tonalité sont foncièrement différents. Mais il y a malgré tout des points de convergence étonnants.
Et puis disons que ce sera là, ma coquetterie du mois. Au passage je souhaiterais citer le Littré à propos du mot coquetterie : la coquetterie cherche à faire naître des désirs, la galanterie à satisfaire les siens, Encyclopédie, XVII, 766.
Je trouve que c’est une belle définition de l’ambition de ses chroniques « BD de toujours » : faire naître le désir chez vous de foncer chez votre libraire pour acheter cette belle BD !
Garulfo vs. Matrix : suivre la grenouille verte ou suivre le lapin blanc ?
Un peu capillotracté le rapprochement Matrix et conte de fée ? Pourtant Neo rencontrera Trinity en suivant l’injonction extraite d’Alice au pays des merveilles, « Suis le lapin blanc... ».
Le parallèle va plus loin que la simple citation dans le film : ainsi, quand Neo découvre le monde réel, il tombe dans un long tuyau, comme Alice tombe dans le terrier du lapin blanc. Surtout, le baiser de Trinity qui ramène Neo à la vie fait bien-sûr écho au baiser du prince qui réveille la belle au bois dormant.
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