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Denis Robert, ep.1 : “Les romans sont un moyen pour édifier les consciences”

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"Arrête de rire, ce n'est pas possible, il est une heure du matin !", s'agace soudain ma femme. Depuis plus d'une heure, je dévorais le nouveau roman de Denis Robert : "Les rapports humains". Déroutant, déconcertant, drôle, et intelligent. A la fois dynamique et lent comme une bonne mélodie de free-jazz. De ces livres dont on sait que l'on en gardera un très bon souvenir, alors même qu'ils ne sont pas encore terminés. Évidemment, après avoir dévoré d'une traite cet OVNI littéraire génial et avoir continué de rire en pleine nuit, une certitude s'imposait à moi : il fallait faire découvrir aux Ernestiens et au Ernestiennes, non seulement ce livre, mais aussi cet auteur protéiforme aux multiples talents. Romancier, journaliste d'investigation à l'origine de l'affaire Clearstream, documentariste et plasticien. Rendez-vous est pris. J'irai le rencontrer, chez lui, près de Metz.

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Fullsizeoutput DdCe jour-là, une forme de trac me prend. Denis Robert, c'est ce romancier que j'ai lu de nombreuses fois et dont j'ai aimé quasiment tous les ouvrages. Mais, c'est aussi et surtout, ce journaliste opiniâtre qui n'a rien lâché dans l'affaire Clearstream. Qui est allé au bout des choses, et qui a gagné. L'un de ceux qui donnent envie de faire ce métier. Au bout de quelques minutes, ce tract s'estompe. Denis Robert est un homme accessible. Qui s’intéresse aux autres. Il me propose un thé au piment qu'il fabrique lui même. En attendant, dans son bureau qui donne sur le jardin de sa belle maison d'architecte, je contemple. Sur la table basse, les livres s’amoncellent. Musil, Brautigan, le manifeste accélérationniste et tant d'autres...Au mur et dans un coin des toiles de Denis Robert, le plasticien. Work in Progress.

Fullsizeoutput DeDenis revient alors avec le thé. La discussion s'enclenche. Librement. Simplement. Deux heures et demie plus tard alors que je  dois repartir à Paris et qu'il est en retard à un déjeuner, nous avons parlé de littérature, de journalisme, de la vie, et de l'humour. Entre autres choses. Nous nous quittons en échangeant sur la beauté inouïe du livre d'Erwan Larher. Ce livre qui nous a tant plu.
Il fallait bien deux épisodes pour rendre la richesse de nos échanges. Ce premier épisode est consacré à la littérature et à l'écriture, le second lui revient plutôt sur le journalisme et le travail de Denis Robert en tant que journaliste d'investigation.

La forme du livre est déroutante. Les phrases sont ciselées, courtes et saillantes. Comme des SMS ou des tweets. Abdication d’un projet d’écriture plus ample ?

Je ne pense pas du tout cela. La forme, c’est un renouvellement et une exploration. Il y a une raison de fond : j’ai écrit une vingtaine de livres, et j’ai toujours été très préoccupé par la forme. Je dépense une énergie mentale considérable à trouver mon début. Une fois que j’ai le début, le livre vient quasiment tout seul. Le début ce sont des phrases, mais aussi une musique.
Ces dernières années, c’est de plus en plus difficile pour moi d’écrire. C’est lié à mon rapport à la littérature…. L’écriture c’est ce qui est le plus important pour moi. J’ai la chance d’avoir un éditeur, Bernard Barrault, qui compte réellement et qui me pousse à développer ces romans que j’ai envie d’écrire. A la James Ellroy dans le sens où je souhaite que mes romans racontent à la fois une histoire, mais soient aussi un reflet de la France et du monde.

La forme du livre, nous le disions, est inédite et véritablement intéressante. Elle nous plonge dans une sensation d’apnée. Déjà dans votre livre érotique « Le Bonheur », vous aviez particulièrement travaillé la forme avec les visions de l’homme et de la femme en miroir de façon courte et une langue très crue. En quoi cette forme est-elle un moyen d’happer le lecteur ?

Ernest Mag Le BonheurTout écrivain est un lecteur et doit être un lecteur. Ce que j’adore dans les livres en tant que lecteur est de ne pas m’ennuyer. J’aime être pris dans une histoire et en pas pouvoir m’en décrocher. Le challenge que je me pose en tant qu’écrivain, c’est celui là. Le lecteur ne doit pas s’ennuyer. Si je m’ennuie en écrivant, comment voulez-vous que le lecteur s’amuse ? C’est pour cela que je travaille beaucoup sur la forme.. J’aime rire dans les livres et je conserve notamment un souvenir de rire aux larmes avec « Mémoire sauvés du vent » de Richard Brautigan. Il y a un passage sur les hamburgers qui est à mourir de rire. Dans la fabrication des « Rapports humains », il y avait un besoin de faire monter une tension. Et à un moment donné avec cette forme là, j’aurais pu écrire 3000 pages. Il me fallait, du coup, osciller sur les différents genres. Le « bonheur » était aussi une forme de challenge pour moi. Je discutais avec un ami écrivain et le moquais gentiment d’écrire toujours le sexe de façon très sibylline. Il m’a dit que c’était impossible de faire le contraire. J’ai voulu lui prouver que non.

"Les ratages peuvent produire de la littérature"

Quel a été le déclencheur de ce livre ?