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Romain Puértolas affirme sa différence

Photo De Romain Puertolas

Ce mois-ci, dans la bibliothèque de Laurence, une interview spéciale de l’auteur Romain Puértolas pour son premier roman jeunesse « Un détective très, très, très spécial » (Editions La Joie de Lire, 15.90 euros).  Romain Puértolas se confie à notre chroniqueuse jeunesse avec sincérité. Sur l'écriture, sur cette envie d'écrire pour les jeunes et aussi, sur les secrets de son. "Fakir numéro 2" que tous les fans attendent. Interview fleuve et passionnante, dans la bibliothèque de Laurence Van Gysel, notre chroniqueuse.

Dans votre premier roman pour la jeunesse « Un détective très, très, très spécial », une fable loufoque, votre héros Gaspard 30 ans est atteint de trisomie 21. Pourquoi avoir choisi la thématique du handicap pour aborder ce roman ?

Romain Puértolas : La thématique du handicap me permet de faire passer le message de la différence. J’utilise généralement des personnages qui sont assez différents et la trisomie 21 me permettait d’avoir un personnage qui est un adulte, qui a une trentaine d’années, mais qui a toujours un regard d’enfant.
J’ai choisi la différence parce que je voulais faire passer le message que même si on est différent, on peut faire de cette différence une force dans sa vie. C’est ce que fait Gaspard. Je voulais qu’il soit intégré, c’est pour cela qu’il a deux métiers. Beaucoup de gens prétendent que les trisomiques 21 ne peuvent pas travailler, ce n’est pas vrai. Bien sûr, il y a différents degrés dans la maladie. Lui, il rêve de devenir détective privé.
C’est un petit peu la fable du vilain petit canard. Il y a un canard qui est tout noir au milieu de la portée. A la fin du conte on s’aperçoit que c’est un cygne. C’est un œuf de cygne qui était tombé là par hasard dans une couvée de canards. J’aime bien cette morale parce qu’à la fin, on comprend que ce petit canard noir qui est trisomique n’est pas si différent que cela : c’était un cygne au lieu d’un canard. On s’est trompé sur lui. J’aime que les gens réfléchissent un petit peu. C’est un message de tolérance.

Gaspard vit chez ses parents, a 2 emplois et est indépendant financièrement. Il est sensible et très intelligent. Était-ce important pour vous de changer le regard des autres par rapport au handicap ?

Oui. Mais surtout je déteste la victimisation. Je déteste les personnes qui se plaignent, parce qu’elles ont un problème, parce qu’elles sont nées comme-ci, comme ça, parce qu’elles ont été éduquées dans ce quartier là au lieu d’un autre. Ce sont des prétextes. Il faut lutter à fond pour avoir ce que l'on veut dans la vie. Pour moi, il n’y a pas d’excuses. On voit des exemples tous les jours de gens qui se battent. Qui aurait imaginé qu’un président des États-Unis serait noir ? C’est pareil pour le handicap, il y a des champions paralympiques.

"Je voulais passer un message de tolérance"

Ernest Mag Detective Tres Special RVBDans votre roman, le lecteur oscille entre réalité et fiction. Vous arrivez à rendre l’impossible plausible. Pourquoi ? Vous trouvez que le monde actuel est moche ?

Dans le livre, la seule petite impossibilité est de résoudre l’énigme d’Einstein pour un trisomique 21 alors qu’il a une déficience mentale. On ne voit pas beaucoup d’enfants atteints de trisomique 21. Les jeunes ne connaissent pas forcément cette maladie. Le livre permet d’aborder le sujet avec ses parents. Avec mes enfants, j’essaye de banaliser une espèce de différence. Dans le monde, on est tous différents.

La réalité, je la trouve un peu moche. Je ne regarde pas l’actualité, je n’aime pas ça. Il n’y a que des malheurs. J’essaye de vivre dans une petite bulle. Dans mes livres, j’essaye de changer la réalité. C’est plus supportable parfois d’embellir les choses. Le mélange de réalité-fiction, je l’ai hérité de mon père et l’optimisme de ma mère et de ma grand-mère. Je parle de choses graves mais avec de l’humour, avec de la fantaisie.

Un des métiers de Gaspard est renifleur d’aisselles. D’où vous est venue cette idée saugrenue ?

C’est un métier qui existe. Dans mes livres, le problème que j’ai, c’est qu’il y a énormément de choses vraies, mais les gens n’y croient pas. J’ai beaucoup d’imagination. Sur internet, j’ai vu des photos de ce métier. Les personnes reniflent les aisselles quand le déodorant est appliqué sur la peau. Gaspard a un très bon odorat.