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Madeleine, l’époque et nous

Madeleine

Drôle de semaine, vraiment. Une de celles où l’histoire nous rattrape, où les grandes lignes du passé s’entrechoquent avec les soubresauts du présent. Une semaine où nous avons perdu Madeleine Riffaud. Une résistante, une poétesse, une femme debout. Elle s’est éteinte à 98 ans, laissant derrière elle un témoignage vibrant d’une époque où l’engagement n’était pas un mot creux, mais un acte de vie. Dans son sillage, une leçon : résister, c’est choisir.

C’est d’ailleurs Madeleine que l’on retrouve depuis quelques années dans les cases de bande dessinée, grâce à “Madeleine, résistante”, cette œuvre en trois volumes signée Jean-David Morvan et Dominique Bertail. Ces planches nous montrent une jeune femme déterminée, qui, à 19 ans, rejoint la Résistance. Qui, à 21 ans, abat un officier allemand à bout portant. Qui, après la guerre, deviendra grand reporter, écrivain et poète. La BD fait revivre ses actes, son courage, et sa volonté farouche de ne jamais céder à la barbarie. Lire cette série, c’est se replonger dans un passé brûlant d’actualité. Un rappel que nos choix d’aujourd’hui façonnent les lendemains.

Et puis, de l’autre côté de l’Atlantique, cette semaine, un autre combat. Donald Trump, encore et toujours, qui poursuit sa campagne pour 2024. La politique américaine semble parfois flirter avec le grotesque, tant Philip Roth avait déjà tout écrit dans Le Complot contre l’Amérique. Roth imaginait un Charles Lindbergh président, ami des nazis, et transformait la démocratie américaine en cauchemar. Aujourd’hui, le livre résonne comme une prophétie, un avertissement contre les forces qui cherchent à diviser. Dans ses pages, il nous alerte sur ce que deviennent les démocraties fragiles : « Il y a bien un complot en effet conclut le maire La Guardia, et je me faire un plaisir de vous nommer les forces qui l’animent : ce sont l’hystérie, l’ignorance, la malveillance, la bêtise et la peur. » Alors, que faire ? Peut-être s’inspirer de Madeleine, encore et toujours, en choisissant la lucidité et l’engagement, là où d’autres sombrent dans  la peur et la simplification. Et où ceux qui devraient s’engager prennent les vessies pour des lanternes.

Songer à tout cela, et se souvenir des rencontres Revenir à Madeleine et à l’une de ses rencontres. Celles d’hier, comme celle de Madeleine Riffaud avec Paul Éluard ou Pablo Picasso.

Éluard qui publie son poème « Tu n’en reviendras pas », bouleversé par la grandeur et la fragilité de cette jeune résistante. Picasso qui immortalise son visage en quelques traits. Ces rencontres ont marqué Madeleine, et Madeleine a marqué le monde. Elles nous rappellent que dans la tempête, il y a des ancrages. Des liens.

Mais il nous faut aussi des rencontres nouvelles. Les miennes, les tiennes, les notres. Les qui durent toujours. Les qui semblent intermittentes. Les qui vont et qui viennent. Et celles qui changent tout. Pour un jour, une semaine, un mois, des années, une vie. Aujourd’hui, face aux défis que sont la montée des extrémismes, la crise écologique ou les fractures sociales, nous sommes appelés à franchir ce pas vers l’autre. Non pas pour se perdre, mais pour se retrouver. S’approcher, écouter, partager. Car le meilleur antidote contre la victoire des obscurantistes n’est pas dans la colère. Il est dans la force inspirante de l’exemple : nos comportements, nos œuvres d’art, nos rires, notre joie de vivre et d’aimer. C’est dans cet élan vers la lumière que réside la véritable résistance.
Cette lumière est venue cette semaine. En début de semaine. Elle scintille dans l’acte courageux d’une étudiante iranienne à Téhéran. Harcelée par des agents de sécurité pour des vêtements jugés « inappropriés », elle s’est dévêtue en signe de protestation, marchant en sous-vêtements devant l’université Azad. Un geste audacieux, une rébellion silencieuse mais puissante contre l’oppression. Son arrestation a suscité une vague de soutien international, rappelant que chaque acte de résistance individuelle peut devenir un symbole universel de liberté.

Quelle semaine, donc. Une semaine où l’histoire n’est pas finie. Elle nous regarde, elle nous appelle. Résistons. Inspirons. Aimons. Car, comme Madeleine Riffaud nous l’a enseigné, c’est dans l’amour des autres que l’on trouve la force d’être soi.
Bon dimanche,

Tous les éditos sont là.

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