Dans sa chronique “Back to classics”, Frédéric Potier propose un voyage vers Hugo All Inclusive. Tout Hugo, rien qu’Hugo et avec lui toute la France. Quand Frédéric Potier, grâce au dictionnaire amoureux de Victor Hugo signé par Sébastien Spitzer, donne envie de lire et de relire l’auteur des Misérables. Hugo, Hugo, Hugo !
Pour cette rentrée 2023-2024 j’ai décidé de consacrer cette première chronique de “Back to classics” à Victor Hugo. Pas facile d’évoquer ce monument de la littérature française, ce géant universel du roman, de la poésie et du théâtre (oui, tout ça !)… sans verser dans le manuel scolaire. Car si Victor Hugo est un génie bien sûr, c’est d’abord une œuvre dans laquelle la Nation française a puisé pour construire une mythologie républicaine. Gavroche et Causette, Quasimodo et Jean Valjean, Esmeralda et Frollo… que de personnages entrés dans la culture nationale et qui bercèrent des générations et des générations de petits Français depuis la fin du XIXe siècle. Avec sa longue barbe blanche, ses lourdes paupières et son air avachi, Hugo entra dans l’imaginaire collectif comme grand-père protecteur de la Nation dans un siècle finissant aux côtés de Jules Verne le scientiste et d’Alexandre Dumas l’aventurier. Dès lors pour votre serviteur/chroniqueur, le choix du chef d’œuvre à traiter tourne au casse-tête. S’atteler à son œuvre romanesque tient du dilemme absolu : Les Misérables ? Notre-Dame de Paris ? Quatre-vingt-treize ? Impossible de choisir. La poésie hugolienne est tout aussi prolifique. Quant au théâtre, choisir entre Ruy Blas et Hernani serait criminel… Et je n’ose pas mentionner les textes et discours politiques engagés contre la misère sociale, l’arbitraire, les dictatures, les inégalités ou la peine de mort.
Alors chers lecteurs, ne choisissons pas, ou plutôt si, optons pour la formule “Tout Hugo”, “Hugo All inclusive” comme on dit dans le groupe Accor, que nous propose avec gourmandise Sébastien Spitzer dans son Dictionnaire amoureux de Victor Hugo publié ces jours-ci chez Plon. Ancien journaliste, romancier de talent, lauréat de nombreux prix, Spitzer nous plonge dans le monde hugolien, et un peu dans le sien, avec délectation. De À comme “Abeille” à Z comme “Zoïle” (je vous laisse découvrir la signification de ce mot) en passant par N comme “Napoléon le Petit”, cet abécédaire déroule avec brillo et tendresse l’univers du maître. Pour autant, l’auteur ne cède pas à l’hagiographie béate. C’est à une admiration lucide et documentée, hors de toute naïveté, que nous invite ce dictionnaire amoureux. “J’admire ses combats, ses prises de position, parfois à contre-courant. Mais aimer, c’est faire la part des choses, ce qui plaît, ce qui déplaît, les discontinuités, ce qui à l’évidence doit figurer dans un tel dictionnaire et ce qui me fait douter” avoue avec honnêteté Spitzer, ce qui n’est pas si fréquent dans ce type d’exercice !
Écrivain total
Hugo a traversé le XIXe siècle comme un lion, participant activement à tous les combats poétiques, romanesques et politiques. Il a vécu la gloire, la déchéance, l’exil, la débâcle, puis le retour triomphal. Pendant les dernières années de sa vie et jusqu’à sa mort en 1885 Hugo incarne à lui seul un panthéon (son corps y sera déposé dix jours après sa mort), un temple de la sagesse, une figure du génie français. L’écrivain universaliste, star mondiale de son vivant, traduit partout dans le monde de Santiago du Chili à Pékin, connaîtra une postérité sans égal. On lit Hugo, on respire Hugo, on adapte Hugo dans des comédies musicales à Broadway (avec Russel Crowe) comme à Montréal (coucou Garou !).
Ce dictionnaire revient aussi avec raison et sans jugement moral sur la vie familiale et amoureuse tumultueuse du maître. Ses amies, ses amours, ses emmerdes… “Aimer, c’est agir” furent les derniers mots écrits par le génie Victor Hugo. Hugo qui connaissait si bien les cœurs des hommes et des femmes, se refusait à limiter son goût des arts, de la vie, de l’amour et des engagements politiques. En somme un amour du genre humain (comme dans l’Internationale) justifiant ses innombrables maîtresses bien sûr mais aussi, surtout, le secours aux éplorés et la justice à ceux qui en sont privés.
Chers lecteurs, on ressort ragaillardi de ce dictionnaire amoureux qu’il faut picorer sans modération. Il donne avec Hugo comme une envie de croquer le monde à pleines dents et d’écrire les milles vies de personnages qui enchanteront demain les rêves de nos enfants et petits enfants. Oui, la littérature n’est pas morte. Non, la source n’est pas tarie. Elle ne demande qu’à rejaillir.
Gloire à Hugo ! Gloire Hugo ! Gloire à Hugo !
Quittons les rivages gris de la littérature française contemporaine, nombriliste, pleurnicharde et étriquée, pour retrouver tout le souffle, l’audace et le génie de la verve hugolienne. Refusons la recension des petites blessures intimistes pour chercher, avec Hugo, à insuffler un grand récit national fondateur. Secouons les connivences médiatiques, les petits arrangements boutiquiers, les emprises financières, refoulons le pessimisme et le nihilisme, déchirons la sinistrose de nos défaitismes pour porter haut les couleurs de la flamme romanesque !
Oui, gloire à Hugo ! Gloire à Hugo ! Gloire à Hugo !
Et un grand merci à Sébastien Spitzer pour cet bel ouvrage passionnant et accessible à tous les publics qui devrait ravir tous les amoureux de littérature.
PS: Signalons en conclusion de ce billet, que Sébastien Spitzer présentera son dictionnaire amoureux à la Maison de Victor Hugo, place des Vosges, le jeudi 21 septembre à 18h30 (entrée libre).
Dictionnaire amoureux de Victor Hugo par Sébastien Spitzer, Plon.
Photo de Une : Victor Hugo par le street artist C215