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L’étoffe des héros

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Ce mois-ci dans son Back to Classics, Frédéric Potier a lu le livre de Jean Moulin "Premier Combat". Un récit circonstancié du moment où l'homme ordinaire devient un héros. Passionnant.

Le 21 juin 1943, il y a 80 ans, presque jour pour jour, Jean Moulin était arrêté à Caluire, dans la banlieue lyonnaise. Il fut torturé, déporté, et décéda probablement durant le trajet qui l’amenait en Allemagne. Dans le Panthéon de la Résistance, Jean Moulin incarne une figure héroïque et mythique. Les petits écoliers français admirent dans leurs manuels d’histoire-géographie la photo mystérieuse de celui qui incarna le martyr dans la lutte contre les nazis. De longues biographies, en particulier celle de Daniel Cordier son fidèle secrétaire dans la clandestinité devenu historien (lire "Alias Caracalla" publié en 2009), sont venues décortiquer le rôle majeur joué par ce fidèle parmi les fidèles du général de Gaulle cherchant à unifier au péril de sa vie les réseaux de combattants aux obédiences diverses et aux tendances politiques antagonistes. La photo en noir et blanc de Jean Moulin, coiffé d’un grand chapeau et portant une longue écharpe autour du cou pour masquer les cicatrices, est donc connue de tous. L’ouvrage qu’on lui doit, « Premier combat », l’est beaucoup moins et nous allons ici tenter d'y remédier.

« Premier combat » sort en 1947 aux éditions de Minuit avec une préface du général De Gaulle. Le livre doit tout à la sœur de Jean Moulin, Laure Moulin, qui retrouva et rassembla les écrits éparpillés de son frère, pour lui rendre un hommage posthume. Dans cet ouvrage, Jean Moulin, alors préfet d’Eure-et-Loir à Chartres, narre la catastrophe de la débâcle de mai-juin 1940 avec le flux ininterrompu des réfugiés qui arrivent en masse avec l’armée allemande à leurs trousses.

Le haut fonctionnaire Jean Moulin, aurait pu choisir comme tant d'autres de se retirer, de fuir vers Bordeaux avec le Gouvernement, de s'inscrire incognito dans la désertion généralisée qui paralysait l'État dans ces heures funestes. Mais il reste en place, contrairement aux instructions reçues, pour organiser les secours et aider la population qui arrive en nombre dans des conditions terribles. On manque de tout, c’est la débandade la plus absolue tandis que les Stuka allemands bombardent en piquet les colonnes de réfugiés. Le 17 juin 1940, l’Armée allemande occupe Chartres.