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Les forces des esprits

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Cette semaine sur les genoux de Carole Zalberg, l’un des très beaux romans de cette rentrée d’hiver. Le nouveau livre de Nathalie Azoulai, prix Médicis en 2015 a beaucoup plu à notre chroniqueuse qui nous détaille pourquoi. Montez le son !

 

 

Avec « La fille parfaite », L’auteur de « Titus n’aimait pas Bérénice » s’empare d’une double idée reçue : les filles sont plutôt littéraires et les garçons scientifiques, on est soit l’un soit l’autre. Pour illustrer cette prétendue distribution, une amitié de trente ans entre Adèle, matheuse et fille de matheux, aux cheveux blonds, longs et libres, longtemps passionnée par les sirènes au point de s’entrainer à nager comme elles, âme rationnelle s’échappant en imitant des chimères, donc, et Rachel intellectuelle et fille d’intellectuels, tout aussi blonde, sans enfants, aventureuse en amour, brillante mais convaincue de la supériorité de la science incarnée par son amie.
L’histoire débute avec le suicide par pendaison, à 46 ans, d’Adèle, alors qu’elle est mère d’un merveilleux garçon et professionnellement adulée. Rachel entame alors une enquête minutieuse aux allures d’introspection.
Sous sa loupe, l’ambiguïté des grandes amitiés, les mathématiques comme territoire semblant se refuser aux « littéraires ». On retrouve aussi cette façon courageuse d’aborder la maternité, le couple, les diktats sociaux et familiaux.
On reconnaît en effet les livres de Nathalie Azoulai à leur intelligence mate, décapante, sans esbroufe ni souci de plaire. Rachel, la narratrice de cette histoire de quasi-sœurs, avec ce que cela implique de fusion et de rivalité ravalée, évoque la présence, en elle et au cœur de son amitié pour Adèle, d’une « baguette froide et fluorescente qui brille à mesure que la vie chauffe » ». Cette colonne lumineuse et glacée est aussi l’infrastructure des livres d’Azoulai en général et de « La fille parfaite » en particulier. Par sa langue précise et dépouillée, son esprit affûté et souvent grinçant, elle éclaire violemment nos zones cachées : les jalousies honteuses, les corps insatisfaits ou d’une avidité déplacée, les renoncements et le poids des injonctions. Elle rend aussi un vibrant hommage à l’esprit sous toutes ses formes. C’est éblouissant et dérangeant, un plaisir… et une souffrance pour quiconque y retrouve ses travers, ses limites, ses frustrations.
Ajoutons que cela donne, au passage, envie de lire ou relire La recherche, et Mrs Dalloway, que l’autrice elle-même vient de retraduire.

Tous les coups de coeur de Carole Zalberg sur ses genoux sont là.

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