Dans la langue l’important, c’est l’usage ! Dans un sondage exclusif réalisé par l’Ifop pour Ernest, il apparait que nos compatriotes préfèrent largement utiliser le genre masculin pour parler de la pandémie plutôt que le genre féminin préconisé par l’Académie Française comme étant la façon correcte de le faire.
Dans le détail, ils sont 56 % à employer le masculin, contre seulement 19 % le féminin, soit trois fois moins. Entre les deux, un quart des personnes interrogées (25 %) déclarent utiliser indifféremment «le» ou «la» Covid. Dans le détail, l’Ifop note un clivage générationnel dans cette pratique. Trois quarts des moins de 35 ans (75 %) privilégient le masculin, contre 50 % chez leurs aînés.
En théorie pourtant, une majorité de Français (57 %) jugent que le genre correct de Covid est… le féminin. Ils suivent donc l’avis de l’Académie française qui, en mai dernier, a tranché en faveur de «la» Covid, justifiant cette décision par la signification de «Covid», acronyme de «corona virus disease», soit «maladie provoquée par le corona virus» en français.
Ce paradoxe «montre l’attachement particulier des Français à connaître les “règles” de la langue, sans pour autant les appliquer strictement lorsque celles-ci sont en décalage manifeste avec l’usage», note Jean-Philippe Dubrulle, directeur d’études au pôle Opinion de l’Ifop.
L’usage vs la norme
Les partisans «du» Covid citent en effet l’usage du mot uniquement au masculin au début de la pandémie comme première raison pour laquelle ils disent «le» Covid (38 %). C’est la politique du «premier arrivé, premier servi», commente l’Ifop. Derrière ce motif principal, 31 % citent la meilleure sonorité de Covid au masculin, et 29 % l’alignement sur le genre de «coronavirus». Côté féminin, «les principales raisons déterminantes pour dire “la” Covid sont toutes liées à l’idée de norme», indique l’étude. Un quart des utilisateurs du féminin justifient leur pratique par la recommandation de l’Académie française (26 %) ou par l’argument linguistique mis en avant par l’institution (25 %). Le fait que des autorités (20 %), notamment Emmanuel Macron depuis fin 2020, ou des médias (17 %) emploient le féminin arrive un peu plus loin. “Près d’un an après le début de la crise sanitaire, ni l’usage ni la norme n’ont triomphé de l’autre. Or, en pareil cas, c’est l’usage qui gagne”, conclut Jean-Philippe Dubrulle.
Des résultats qui viennent souligner, une nouvelle fois, une forme de défiance envers les institutions et les normes de la part de nos concitoyens. Ils montrent aussi à quel point une langue est aussi ce que nous en faisons. Pour le meilleur et pour le pire. Et que comme le rappelait le linguiste Ferdinand de Saussure, il n’est jamais aisé de créer un mot de toutes pièces, sans un ancrage, sans une longue histoire et sans une appropriation. Cela ne peut pas avoir de sens. C’est la fameuse construction interne inhérente à chaque langue qu’a analysé le linguiste. Ainsi, difficile de créer ex-abrupto un usage nouveau et donc une mentalité nouvelle.
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