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Transhumanisme : les écrivains ont-il raison d’en avoir peur ?

Ernest Mag Transhumanisme

Il fascine, il interroge, il est encore très méconnu : c'est le transhumanisme. Preuve qu'il interpelle, des écrivains se sont emparés du sujet. Dans « Une vie sans fin » (Grasset), Frédéric Beigbeder (lire notre interview de lui, ici) dépeint un héros qui recherche l'immortalité pour épater sa fille. Don De Lillo dans "Zéro K" imagine un monde où l'on pourrait se faire congeler pour ressusciter. Dans « L'invention des corps » (Actes Sud, Prix de Flore 2017), Pierre Ducrozet nous emmène dans la Silicon Valley, bastion de la recherche transhumaniste où l'on multiplie les expérimentations sur les cellules souches et l'intelligence artificielle. Ces livres nous proposent une vision plutôt anxiogène, dangereuse et vaine de ces recherches d'immortalité et de perfectionnement technologique de l'humain. C'est ainsi que la figure de Frankenstein qui apparaît chez Beigbeder, et chez Ducrozet c'est un mégalomane sans foi ni loi qui veut recréer un pays de toute pièce. Est-ce cela le transhumanisme ? La vérité est dans les romans a-t-on coutume de dire chez Ernest, alors ces auteurs ont-ils raison de nous mettre en garde ? Enquête.

1946. Dans la nouvelle préface à son livre "Le Meilleur des Mondes" paru en 1931, dans lequel il imaginait l'avènement d'une société eugéniste et complètement aseptisée, Aldous Huxley écrit que le totalitarisme guette l'humanité. "Un totalitarisme supranational suscité par le chaos social résultant du progrès technologique rapide". 2018. Nous nous en approchons.

Ernest Mag Ducrozet CorpsDu moins dans les fictions et les romans. Se plonger dans « Une vie sans fin » (Beigbeder) ou « L'invention des corps » (Ducrozet), c'est découvrir des savants fous, souvent cyniques, prêts à tout pour réaliser leurs rêves d'immortalité. Qu'y lit-on ? Dans « L'invention des corps », le héros Alvaro, rescapé d'une tuerie au Mexique, parvient à s'échapper pour aller dans la Silicon Valley, afin de proposer ses talents de codeur, mais au lieu de pouvoir déployer son talent intellectuel, il se retrouve à n'être utile que par son corps : il sert de cobaye pour des recherches sur les cellules souches. Les personnages sont tous les jouets de la science. Adèle la biologiste qui lui implante une puce semble ne pas savoir ce qu'elle fait là, victime elle-même d'un projet qui la dépasse. Parker, patron sans foi ni loi d'un grand complexe de recherche high-tech est un personnage caricatural, monstrueux, animé par une volonté purement égoïste d'immortalité. Il méprise le corps biologique, content de perdre un œil pour le remplacer par une prothèse qui lui permet de voir comme un faucon. Parker, dans sa mégalomanie veut créer une île coupée du monde pour que les géants du web et de la technologie puissent poursuivre leurs recherches, sans aucune  limite.

Chez Beigbeder, le héros est en quête d'immortalité et entreprend avec sa fille un tour du monde des chercheurs et des techniques les plus fines, pour une quête qui aboutit finalement à réaliser qu'une vie sans fin serait une vie sans aucun sens. Il semble découvrir que finalement, la véritable immortalité se trouverait sous ses yeux, dans sa descendance. Avec au passage certaines projections futuristes des plus cauchemardesques : l'apparition d'une hiérarchie entre sous-hommes et sur-hommes, un génocide des sous-hommes par les machines. Bref, pas Ernest Mag Vie Sans Fin Beigbedervraiment une ode au transhumanisme.

« Fond de commerce déclinologue »