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L’odyssée des livres qui n’ont pas plu à Noël

Sapin Livres

2 janvier, c’est la reprise. Ce matin, dans le métro, vous avez tenté de lire le bouquin que vous a offert votre beau-frère. C’était vraiment pas bon. Vous allez sur Ernest pour voir quels sont les conseils en ce moment, et surtout, comme une grande majorité de Français, vous décidez de revendre, en ligne, le présent.

Cette année, j’ai pris un risque pour Noël. Je devais offrir un cadeau à mon frère. Je lui ai acheté un livre. Le plus bateau des cadeaux ? Les produits culturels arrivent effectivement en tête des présents de Noël, comme le confirme une étude Toluna. Un choix classique mais attention : tellement risqué. Rien n’est plus subtil. Pourquoi cet haletant polar policier plutôt que cette histoire des couleurs en Occident ? Cette histoire ne va-t-elle pas l’ennuyer, ce style ne va-t-il pas l’assommer ? Cela implique de connaître finement les goûts de lecture de l’élu. Moi-même, je me suis retrouvé tant de fois avec le livre dont je ne rêvais justement pas entre les mains. Évidemment, lorsque mon frangin a déballé son cadeau, j’ai scruté le moindre battement de cils, j’ai épié le plus délicat rictus sur son visage. Venant à bout de l’emballage, mon frère a découvert Le dernier Marc Dugain, “Ils vont tuer Robert Kennedy”, que j’avais choisi après avoir arpenté plusieurs librairies pour me nourrir d’idées. Ce roman nous mène dans l’Amérique des années 1960 et, entremêlant la grande et la petite histoire, il déplie une vraie thèse sur l’assassinat des frères Kennedy, à la manière d’un thriller. Dans les yeux de mon frère rivés vers la couverture, je n’ai pas vu passer une seule lueur. Le cadeau n’a manifestement pas fait mouche. En revanche, mon père, américanophile dans l’âme, attiré par le titre, en a dévoré la quatrième de couverture avant de le reposer sur la table basse du séjour. Quand mon frère est monté se coucher, il n’a pas daigné l’emmener avec lui. Au réveil le lendemain matin, le livre n’avait toujours pas bougé.

Les livres, des cadeaux très revendus

Mauvais présage : les jours qui ont suivi Noël, les médias nous ont bassiné les oreilles sur le business autour de la revente massive des cadeaux de Noël. Sans état d’âme, 48% des Français ont déjà revendu leurs cadeaux ou envisagent de le faire. Mon frère, appartient-il à cette moitié de Français dénuée de scrupules ? Il dispose de la possibilité de le faire puisque le livre, que personne n’a encore ouvert, est en parfait état. Au lendemain de Noël, quand j’ai interrogé les libraires sur les retours de livres, ils m’ont signalé que la chose était plutôt rare. “C’est parce qu’en leur prodiguant de bons conseils, ils ne se trompent pas”, m’ont-ils répondu avec malice.“Souvent, les livres qu’on nous rend sont ceux qui ont été reçus en double”. Ce n’est donc apparemment pas en librairie que mon frère se débarrasserait de “Ils vont tuer Robert Kennedy”. De toute façon, je me suis bien gardé de lui refiler le ticket de caisse. Reste donc Internet pour offrir une seconde vie au livre. 40% : ce chiffre choc est l’augmentation des annonces de jouets sur le Bon coin après Noël. Après quelque recherches, je découvre que les cadeaux les plus facilement revendus… sont justement les biens culturels. Si l’on en crois l’institut OpinionWay, les CD/DVD, les jeux-vidéos et les livres sont les plus revendus, loin devant la High-Tech ou l’habillement. Une société déprimante dans laquelle la technologie et l’apparence sont plus respectées que la culture.

Le livre que j’ai offert allait donc certainement se transformer en un modique pécule. Soudain, je tombe sur ce chiffre : seuls 4% des cadeaux offerts par les frères et sœurs étaient revendus. En revanche, pas de pitié pour les collègues : ce taux monte à 26% ! Impossible que mon frère ait revendu mon cadeau, ne serait-ce par principe ! Rassuré par cette idée, je croise mon père qui me félicite pour le choix du livre du dernier Dugain. Mon frère n’avait effectivement pas revendu son livre. Il le lui avait donné.

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