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Extension du domaine du logement

Annie Spratt RBJLZhOVHtw Unsplash

Et si à travers la littérature, et les logements qu'elle décrit, un antidote à la crise de nos logements était possible ? C'est le pari que fait Blanche Leridon dans sa nouvelle chronique "Littérature quotidienne" avec Pérec, Gracq, Becker et d'autres.

La MaisonÀ la fin du mois d’avril, les éditions Corti publiaient un inédit de Julien Gracq, La Maison. Le hasard de l’actualité politique (ou bien le génie de la vie littéraire) voulut que cette sortie coïncide avec le retour du logement sur le devant de la scène politico-médiatique. L’importance de l’habitat, la grande vulnérabilité de ceux qui n’en ont pas, la crise du logement et les plans gouvernementaux pour en sortir se sont multipliés depuis, dans le chaos des acronymes et la froideur technocratique des litanies de mesures et de dispositifs. Au milieu de cette actualité, rythmée par les taux d’intérêt, les primes et les crédits, le petit livre de Gracq faisait office d’archipel poétique hors du temps, en même temps qu’il incitait au pas de côté. Comment parler autrement de ces lieux qui nous abritent et nous font vivre ? Comment sortir du jargon des promoteurs, des banquiers et des politiciens ? Par quelles voix réenchanter l’habitat ?

Certains (ils sont de plus en plus nombreux) trouveront la réponse en se prélassant devant la télé réalité immobilière, cette nouvelle lubie audiovisuelle qui fascine beaucoup de mes contemporains, adeptes de L’Agence, des Chasseurs d’Appart et consorts, qui Recherchent appartement ou maison avec passion et acharnement. À rebours de ce drôle de rituel cathodique, je devais, une fois de plus, trouver mes réponses dans les romans.

On dit souvent habiter les livres que l’on lit, refuges virtuels qui nous transportent autant qu’ils nous protègent. Les romans seraient comme des maisons : ils nous abritent, nous fascinent et nous aliènent. On pénètre dans une intrigue comme on entre dans un logis, on les découvre, on y passe un moment, avant de les quitter, plus ou moins définitivement, jamais totalement indemne. Les analogies entre la lecture et l’habitat sont nombreuses et fécondes (on parle bien de maisons d’éditions et l’on forme avec nos livres dépliés de petits toits rassurants) mais c’est la description des lieux de vie eux-mêmes, à l’intérieur des livres, qui me semble plus riche et porteuse aujourd’hui.