Ces derniers jours pour des raisons que la raison ignore, il est beaucoup question de l’Angleterre, de ses habitants et de ses habitudes. Beaucoup de bruit pour rien serait-on tenté de dire… Cependant cette ambiance britannique a suscité chez l’auteur de ces lignes dominicales qui volent jusqu’à vous, lectrices du fond du lit et lecteurs du canapé, une délicieuse envie de disserter sur la littérature anglaise.
Je vous vois, inquiets : “Oh merde, il va nous parler de Shakespeare”. Si vous cherchez un Roi, en voilà un et non des moindres. Quel texte mieux que son Richard III dit les errements, les bassesses, et les rivalités futiles d’une cour royale ? Un “The Crown” avant l’heure !
Songeant à Shakespeare, l’esprit d’escalier farfelu de votre correspondant du dimanche est allé vers Rudyard Kipling, lauréat du prix Nobel de littérature à 42 ans. Conteur hors pair. Pour adultes comme pour enfants. Dans ses “histoires comme ça”, et notamment dans son “papillon qui tapait du pied”, il se moquait gentiment de l’hubris des hommes :
– “Tu sais ce que sont les hommes ?
– Ils se fâchent, dit la femme du Papillon, en s’éventant très vite, à propos de rien ; mais il faut savoir les prendre, ô Reine ! Ils ne pensent pas la moitié de ce qu’ils disent. S’il plaît à mon mari de croire que je crois qu’il peut faire disparaître le palais de Suleiman-bin-Daoud en tapant du pied, cela m’est tout à fait égal. Il aura oublié demain.
— Petite sœur, dit Balkis, tu as bien raison ; mais la première fois qu’il commence à se vanter, prends-le au mot. Demande-lui de taper du pied et vois ce qui arrivera. Nous savons, nous autres, ce que c’est que les hommes, n’est-ce pas ? Il aura très honte. “
Kipling qui nous parlait aussi dans son célèbre poème “If” de ce que signifiait être capable de persévérance, de patience et d’humilité pour construire un palais. Son propre palais d’Homme et de Femme. Il enseignait aussi la fraternité universelle dans son célèbre texte “Une fois de temps en temps” qui met en scène Salomon qui fraternise avec tous. De Salomon et de Kipling dans une drôle de logique a surgit à l’esprit Albus Dumbledore, le sorcier en chef d’Harry Potter. L’initiateur d’Harry. Celui qui lui apprend la sagesse et qui le laisse exprimer sa fougue. Une expression de la fougue qui inévitablement nous conduit dans ce voyage dominical à l’immense Virginia Woolf qui de “Mrs Dalloway” à “une chambre à soi” n’a cessé d’interroger les valeurs de la société britannique et de les bousculer, notamment grâce à ses écrits sur la sexualité.
De Virginia à Sherlock Holmes, il n’y a qu’un pas que nous franchissons maintenant allègrement. Parce que Mrs Dalloway comme Sherlock Holmes ont cette intuition qui sied aux personnages de romans que nous aimons tant. Sherlock remet de l’ordre et du sens dans les mouvements de la vie grâce à sa connaissance supérieure du monde. Élémentaire, mon cher Watson. Ne me demandez pas comment ce héros m’a conduit à David Peace. Mais aussi et surtout à Jonathan Coe, pourfendeur de la bourgeoisie britannique dans son célèbre “Testament à l’Anglaise” et rapporteur des vices et vertus de son pays dans “Bienvenue au club”, “Le cercle fermé” ou “le cœur de l’Angleterre”. Cœur de l’Angleterre et cœurs des Anglais mais aussi de l’humanité toute entière que sait sonder à merveille, aussi, Nick Hornby.
Songer à tout cela et se dire trois choses : d’abord que la littérature anglaise a ceci de génial qu’elle est à la fois ancrée dans une culture très profonde tout en étant capable de parler à l’ensemble du monde. Cela, peut-être, grâce à l’humour invention british s’il en est. Se dire aussi que le point commun ou du moins le lien de résonance entre tous ces livres divers et variés est la force des héros qui aident les lecteurs à grandir, à prendre confiance en eux et à s’améliorer. Se dire enfin que pour comprendre l’Angleterre dont on se demande bien pourquoi nous parlons tant ces derniers jours, rien de tel que sa magistrale littérature agrémentée de sa musique pop à laquelle il faudra consacrer un autre éditorial ! “Les livres sont la meilleure munition que j’ai trouvé à cet humain voyage”, écrivait notre Montaigne.
Je vous vois, chers amis, vous souriez, vous avez un nouveau regard sur ces rois et ces reines et vous vous dites que votre détective dominical a mené à bien sa mission d’agent secret pour tenter de comprendre enfin cette omniprésence britannique dans votre univers médiatique. Désormais vous pourrez l’appeler “Bond. James Bond”.
Bon dimanche les amis
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