Avec son roman photo “Guacamole vaudou“, co-signé avec Éric Judor, Fabcaro se rate dans les grandes largeurs. Un premier accroc pour le roi de l’absurde que fera – espérons-le – oublier son nouveau roman “Samouraï“.
Fab(rice)caro est un décidément un drôle de zig. Avec lui, on sait qu’il faut s’attendre à tout puisque son plus grand talent est de nous dérouter à chaque parution d’un nouveau roman ou d’une nouvelle BD. L’auteur de “Zaï Zaï Zaï Zaï“, d’”Open bar“, du “Discours” ou encore de “Broadway” est un maître de l’absurde. L’apparente ineptie de ses intrigues peut facilement déconcerter les esprits cartésiens. Pour lire Caro, il est recommandé de lâcher prise et de se laisser emmener dans son univers ou le loufoque côtoie une profonde humanité. Dans ses albums, Caro joue avec les malaises contemporains et nous renvoie la plupart du temps à nos propres tares. On rit souvent, et parfois jaune.
L’auteur revient ce mois-ci avec un ovni : “Le guacamole vaudou“. Une BD qui remet au goût du jour le roman photo, exercice de style qui a connu ses heures de gloire à l’époque où Hara-Kiri mettait en scène les délires de Wolinski, Gébé ou du Professeur Choron.
L’album est co-signé par Éric Judor, lui aussi adepte de dingueries en tout genre. Les deux compères nous narrent les aventures de Stéphane Chabert, un loser XXL qui est la risée de ses collègues de bureau, un handicapé de la drague qui subit les pires humiliations et désespère d’inverser le cours de sa vie. Ce sera chose faite un beau jour grâce à la rencontre d’un gourou qui l’entraine en compagnie d’autres bras cassés dans un stage initiatique où il est question de poupée vaudou, de breuvage sacré et de sortilège. Stéphane en sort transfiguré, dans la peau d’un serial lover à qui rien ne résiste.
Le roman photo est un exercice qui ne supporte pas la tiédeur.
On ne peut pas en vouloir à Fabcaro de vouloir s’amuser avec un mode d’écriture qui donne libre cours aux idées les plus farfelues. Encore eut-il fallu qu’il aille jusqu’au bout du concept. Le roman photo est un exercice qui ne supporte pas la tiédeur. Pour être réussie, la farce doit être totale. Dans un reportage TV accessible ici, Gébé déclarait que « l’intérêt du roman photo par rapport à la bande dessinée est qu’il ajoute une réalité qui épate encore plus les gens s’ils voient vivre une histoire invraisemblable part des gens réels qui se trouvent dans des conditions insensées ». Dis autrement, plus c’est con, meilleur c’est.
Le gros défaut de « Guacamole vaudou » est qu’il est très mal interprété. Éric Judor joue son rôle avec une retenue à laquelle il ne nous a pas habitués. C’est bien simple, il fait la même tête de la première à la dernière case. Et que dire des autres personnages ! La flopée de célébrités qui ont été invitées dans l’album (Arthur H, Hervé le Tellier, Elisabeth Quin…) n’apporte absolument rien au récit. Constamment figés devant l’objectif, ils oublient de jouer, de s’amuser, et leurs postiches ne suffisent pas à faire passer la blague.
L’album donne l‘impression d’avoir été conçu lors d’un apéro entre bobos parisiens tout excités à l’idée de partager l’affiche d’une crétinerie sans prétention. La recette se révèle indigeste. Ils auraient mieux fait de se contenter d’un Spritz.
“Guacamole vaudou”, de Fabrice Caro et Éric Judor, éditions du Seuil.
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