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Maternité, j’écris ton nom

Zach Lucero FwjsBPbRm4g Unsplash

Des essais aux récits en passant par les romans, de plus en plus de mères mettent en mots leur réalité intime. Enquête sur des paroles qui se libèrent plus que jamais en littérature.

« J'étais là, un bébé parfait dans les bras, et mon corps déchiré. Dans mon orgueil comme dans mon innocence, j'ai pensé que tout s'arrêtait, alors qu'au contraire, tout commençait. » Ainsi s’ouvre Toucher la terre ferme (L’Iconoclaste), le deuxième volet du projet autobiographique de Julia Kerninon, paru en début d’année. Sans pudeur et avec une grande justesse, elle y raconte ses deux accouchements et son lien ambivalent à son rôle de mère, entre bonheurs et tempêtes.

[caption id="attachment_36287" align="alignleft" width="208"]JULIAKERNINON ALCOCK 022 3 Julia Kerninon, © Ed Alcock[/caption]

Pour celle qui dit être entrée en littérature, comme beaucoup d’autres écrivaines de sa génération, « avec le désir d’oublier qu’elle est une femme », ce récit aborde un sujet qui n’était pas encore vraiment « dignifié » dans les livres. « Parce que la littérature a longtemps été fabriquée par les hommes, ou a décrit le monde uniquement à travers leur regard, la grossesse, la maternité et tout ce qui touche plus largement au domestique, à la famille, à l’éducation des enfants, mais aussi à la façon de tenir une maison, sont des choses dont on ne parle que très peu. Cette absence en littérature contribue à mon avis au relatif mépris que l’on porte sur ces sujets-là dans la vie civile. Heureusement, depuis quelques années, on se sent plus autorisé à le faire. »

Les tables des libraires font la part belle aux récits, essais et romans où les mères se racontent sans ambages.

CuskEn effet, les tables des libraires font la part belle aux récits, essais et romans où les mères se racontent sans ambages. Il y a les Sages femmes, de Marie Richeux (éditions Sabine Wespiser), un roman qui fait la généalogie d’une famille où les filles-mères sont nombreuses ; le personnage de Mathilde, dans le deuxième volume de la trilogie de Leïla Slimani, Regardez-nous danser (Gallimard) ; mais aussi Mal de mères. Dix femmes racontent le regret d’être mère de Stéphanie Thomas (Flammarion) ; ou encore le récit de Rachel Cusk, L’œuvre d’une vie. Devenir mère (L’Olivier), dans lequel elle explore la transition entre la perte d'une identité et la naissance d'une autre. « J’ai été bouleversée par la maternité, écrit-elle. Mal préparée, ignorant tout des conséquences de l’arrivée d’un enfant, j’ai eu l’impression, fausse mais très nette, que le voyage qui m’avait menée jusque-là avait été à la fois aléatoire et régi par des forces qui me dépassaient, à tel point qu’il m’a semblé n’avoir jamais eu mon mot à dire. »

"Ce n’est pas parce que l’on prend la parole que l’on nous entend réellement"

[caption id="attachment_36285" align="alignleft" width="249"]ILLANAWEIZMAN 2 MarieRouge(LesJouesRouges) Illana Weizman, © Marie Rouge[/caption]