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Nourritures intellectuelles

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Cette semaine, dans ses essais transformés, Frédéric Potier vous propose un medley. Entre vision de la France, réflexion sur le travail et géopolitique, voilà un panier bien garni ! Nourrissez-vous !

Que lire dans l’avalanche ? Un medley.

Chères lectrices, chers lecteurs,

Je vais d’emblée vous avouer un dilemme : à quel ouvrage consacrer cette chronique quand une profusion d’essais passionnants débarque sur votre table de chevet… Que Pierre Mendès France me pardonne, lui qui disait si souvent que gouverner c’était choisir, chroniquer c’est parfois ne pas choisir ! Je vous offre donc pour la première fois sur Ernest un authentique medley, une petite recension de ce qui a retenu mon attention durant ces dernières semaines.

SaysCommençons par le camarade Frédéric Says (prononcez « Saïsse », apparemment il y tient…), dont la publication chez Bouquins d’un recueil choisi de cinq années d’édito matinaux sur France Culture  (« Billets politiques. Sur le fil du quinquennat ») nous permet de nous replonger dans les délices des débats politiques français depuis 2017 : les costumes de Fillon, l’emploi fictif de Pénélope, les petites phrases de la macronie triomphante, la novlangue techno du gouvernement, les éructions de Mélenchon et les délires trumpiens… tout y est décrypté avec finesse et discernement. A lire donc, avant de jauger au printemps 2022 du bilan des uns et des propositions des autres.

Toujours au rayon politique, l’événement de la rentrée est sans conteste la sortie d’un essai de Pierre Rosanvallon. En quelques mots, ce monument Rosanvallonde l’histoire et de la sociologie française, professeur au collège de France, nous invite à « Mieux comprendre les Français » (c’est le titre). La thèse est simple : les gouvernements, avec leurs yeux rivés sur leurs indicateurs statistiques, seraient incapables de comprendre leurs concitoyens car on ne prendrait pas en compte leur ressenti, leurs humiliations, leur sentiment d’injustice et de colère. Bref, Rosanvallon cherche à comprendre pourquoi personne n’a vu venir les gilets jaunes, les anti vax/pass sanitaires et autres mouvements éruptifs. Un livre qui fera date car il ouvre – sans vraiment y répondre d’ailleurs – un chantier de taille : comment gouverner l’Etat sur la base d’une addition de subjectivités individuelles ? Comment répondre à l’émotion par des politiques sans céder à la démagogie ? Faut-il remplacer la statistique publique par des sondages d’opinion ? L’INSEE par l’IFOP ? Bruno Le Maire par Francis Lalanne ? L’Assemblée nationale par un gigantesque rond-point occupé par des gilets jaunes avec mégaphones et barbecues ? Mais je m’égare…

DjaîzPour David Djaiz, jeune et brillant haut fonctionnaire-essayiste que Libé compare à Jacques Attali, la réponse tient dans notre capacité collective à forger « Le nouveau modèle français ». Un modèle qui nous est propre, fondé sur notre histoire et notre culture. Pour cela Djaiz réhabilite l’interventionnisme d’État, dont il rappelle le rôle éminent à partir de 1945 (en particulier celui du Plan pensé par Jean Monnet). Après avoir disséqué au scalpel les origines de la crise actuelle, l’auteur met en lumière de très nombreuses initiatives pouvant servir à forger un nouveau pacte territorial et social. “Pris au piège entre un présent insatisfaisant et un futur angoissant”, il nous appartient de retrouver le sens du temps long. D’où une série de propositions concrètes : faire du CESE une chambre de l’avenir, faire piloter les investissements par le commissariat au plan, repositionner la fonction présidentielle sur les grands enjeux et le chef du gouvernement sur la gestion du quotidien. Sur la base de trois facteurs de rassemblement – enracinement territorial, sensibilité écologique, unité républicaine – Djaiz brosse aussi les pistes d’édification d’un nouveau modèle français. Le discours est ambitieux, la plume vive, l’esprit synthétique… David Djaiz, retenez ce nom, vous n’avez pas fini d’en entendre parler.

Au rayon géopolitique, pour ceux qui voudraient mieux comprendre la sortie par la (toute) petite porte des Américains de l’Afghanistan, je vous recommande chaudement « La guerre de 20 ans. Djihadisme et contre-terrorisme au XXIe siècle » de Marc Hecker et Elie Tenenbaum, aux éditions Robert Laffont. “Rester était impossible, partir est insupportable.” Après 20 ans de guerre en Afghanistan, les pays occidentaux, et en premier lieu les États-Unis, se trouvaient  toujours confrontés à ce dilemme stratégique tranché dans la honte et la douleur…

C’est tout l’intérêt de cette mise en perspective  brillante des événements historiques tragiques depuis le 11 septembre 2001 à New York jusqu’à l’évacuation de l’aéroport de Kaboul en passant par l’Irak, la Syrie ou le Sahel que de revenir aux racines du mal. Un essai encyclopédique, couronné par plusieurs prix, écrit avec la précision rigoureuse d’un Raymond Aron et la pédagogie d’un Marc Ferro.

Proust
Enfin, signalons le petit essai de Sarah Proust aux éditions de l’Aube consacré au travail qui n’en finit plus de se métamorphoser. Après la la flexibilité, la sous-traitance et les bullshits job, nous voilà confrontés à la fin des bureaux sous l’effet de la crise sanitaire et de l’inflation des prix de l’immobilier. Comment le confinement a métamorphosé nos relations professionnelles, telle est la question que ce pose cette experte associée à la Fondation Jean Jaurès dont le cabinet qu’elle a fondé travaille à accompagner les entreprises et les mangers sur ce vaste sujet. A consulter au moment de faire ses cartons pour un open-space (j’ai pour ma part encore 6 mois de sursis) !

Voilà votre panier de lecteur bien garni chers amis. Bonne dégustation.

Tous les essais transformés d’Ernest sont là.

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