Nous sommes des histoires. La plus célèbre et la seule scientifique est évidemment celle de l’origine des hommes et de l’humanité. L’évolution. Du singe qui progresse à l’homme qui apprivoise peu à peu son environnement grâce à la maîtrise du feu. Et puis, il y a évidemment, aussi, d’autres histoires. Et notamment celle narrée par les religions du livre. Dans le plus célèbre d’entre eux : la Bible, et plus particulièrement dans Bereshit (la genèse), l’histoire des origines démarre d’une étrange manière. Dans le chapitre 1 de la genèse, il est question d’un dieu hors sol qui crée l’homme, qui est Un. Ce Un, masculin et féminin devient maître de tout. Dans le chapitre 2, il crée toujours l’homme, mais il lui adjoint aussi la femme et le langage. Les deux récits lus séparément apparaissent comme étant deux entités distinctes que l’on peut même juger comme antagonistes, voire même écrites par l’homme à deux moments très différents de son histoire. D’aucuns analysent cette dichotomie comme étant une forme de leçon de vie. Dès le départ, l’histoire des origines est donc à prendre avec des pincettes, et surtout, surtout, elle semble dire que plutôt que de vouloir trouver une seule explication, il faut en accepter plusieurs, vivre avec elles, et apprendre à créer des passerelles. Allons même plus loin. Cela invite à s’accommoder du flou, du manque, et du gris. Comme dans une recherche d’équilibre en somme. Loin donc des canons de notre époque.
Loin des standards d’aujourd’hui où il faut toujours et surtout choisir un camp pour ne plus jamais en sortir. La question de la laïcité avec l’actuel débat autour du voile porté par les femmes durant les sorties scolaires n’échappe en aucun cas à la règle. Voire même elle crée cette règle tant les arguments aujourd’hui se divisent en deux camps : les bazookas de la laïcité d’un côté, les babacools de la laïcité de l’autre. Les premiers sont toujours là pour lancer une chasse contre toute atteinte et vont même jusqu’à disserter sur les achalandages de certains supermarchés. Comme s’il étaient les tenants d’une forme de vérité révélée laïque. Les babacools ne sont pas dans une autre logique si ce n’est que leur vérité révélée est toute autre. Pour eux, la laïcité doit être ouverte et tolérante et doit permettre à chaque individu d’exister tel qu’il est.
Les babascools et les bazookas de la laïcité nous tendent un piège
Pour eux, finalement seul l’individu et son bien être ne compte. Le collectif républicain devenant encombrant. Entre les deux, rien. Soit on est de la team Bazooka, soit de la team Babacool. Évidemment on affronte l’autre à coup de vindicte, de tribunes dans la presse, de débats télé (85 affrontements ont été organisés sur les chaînes infos cette semaine…). Dans ces débats, on déverse des inepties complètement fausses historiquement, balancées sans contradiction et avec l’aplomb des imbéciles sur BFM TV ou CNews, devenues les caisses de résonance de la bêtise. Même au bistrot, on entend des choses plus intelligentes. Et si au milieu du bazooka et du babacoolisme, on choisissait simplement le B.A BA de la laïcité ? C’est-à-dire ce qu’il y a dans la loi (celle de 1905) et dans celles qui sont venues la compléter. Ainsi, il serait facile de se référer au texte de loi, de se replonger même dans les débats de la loi (accessible ici à tout citoyen qui souhaite sortir de l’abrutissement en continu proposé par l’alliance des chaînes infos et des réseaux sociaux) et y trouver là encore que dans le récit des origines, il y a plusieurs versions, que les questionnements à l’époque portaient sur le port de la soutane par les prêtres en public, qu’Aristide Briand et Emile Combes les deux pères de la loi de 1905, eux aussi, discutaient entre eux et ne parvenaient pas exactement à la même conclusion.
Mais à un moment donné, par la force de la volonté commune de faire société ensemble, des choses se sont imposées et la loi a ainsi pu être votée. C’est ainsi qu’en assurant la liberté de conscience sans ne reconnaître aucun culte que la République française s’est installée durablement. Par son projet et non par son bazooka ou son ouverture babacool. Et puisque c’était un projet elle a été partagée et aimée. Le B.a.Ba donc, et ensuite le projet de société que l’on souhaite et que l’on veut porter et surtout, surtout faire partager. Soit nous y parvenons à nouveau, soit nous courons à notre perte. C’est urgent.
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