Avec le XV de France, Léonard Cohen et Charles Pépin, louer les perdants magnifiques, vainqueurs de demain. Quand les livres soignent la tristesse d’une défaite au rugby.
Tandis que les maillots bleus s’écroulaient sur la pelouse, que les maillots verts se congratulaient, et que la grande déception était là pour tous les fans de cette équipe qui était plus qu’une équipe un état d’esprit, une envie, un rêve; les mots de Léonard Cohen sont venus. « Comment puis-je commencer quelque chose de nouveau avec tout cet hier en moi », écrit le plus célèbre des troubadour dans son génial roman au titre prédestiné pour l’équipe de France de rugby ce soir-là: « Les perdants magnifiques ».
Car, oui ils étaient magnifiques ces Bleus avec des bleus à l’âme. Ils étaient magnifiques dans le récit qu’ils ont tissé autour de leur aventure collective qui progressivement s’est propagée pour devenir l’aventure collective de tout un pays. L’aventure de cette équipe avait quelques chose d’une aventure au sens de Jankélévitch c’est-à-dire qu’elle se posait comme un style de vie. Un style de vie remplit de sérieux, mais aussi de folie. Un style de vie oscillant entre rigueur et fantaisie qui donnait tout son charme à l’architecture complète du jeu de ces Bleus.
Partition à réinterpréter
Ils étaient magnifiques, quand leur entraineur afin de leur faire prendre conscience de ce que représentait le maillot bleu et donc la France leur faisait écouter le « Mot » de Victor Hugo ou des vers de « La Fontaine » dit par Luchini. Ils étaient magnifiques dans leur tristesse. Celle inconsolable de voir un rêve s’envoler. Un amour se terminer. Un possible s’estomper.
Tout cela traversait les esprits alors que Dupont et ses camarades pleuraient leur rêve déchu. Et l’envie de les consoler. De leur dire qu’ils se relèveraient et que c’est justement avec cet « hier » en eux qu’ils créeront du nouveau encore plus beau. Les mots de Charles Pépin dans « Vivre avec son passé » sont alors venus : « Le passé est ce qui persiste ». Aussi le passé – celui du rêve comme celui de la défaite – persiste et permet de construire le présent.
Panser les plaies de la défaite. L’accepter. S’en servir comme une matière à retravailler, une partition à réinterpréter, et écrire une nouvelle symphonie. Dans « rugby un art de vivre », l’excellent journaliste Richard Escot écrit : « Le rugby exerce une domination sur nos instincts, extension de notre conscience collective et, au final, façon pour la société de se parler à elle-même et pour chacun de s’intéresser à ce qui vibre autour de lui. C’est ainsi que les hommes ont commencé à se répandre pour inventer de nouvelle façons de vivre, créateurs de leur destin collectif ». Perdants magnifiques. Vibration collective. Avenir commun.