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La fièvre au corps

Boat

Influencé par la couverture pour le moins déroutante de Ténèbre, Tanguy Leclerc s'est plongé dans cette ambitieuse aventure contemporaine sur la nature humaine. Un récit ébouriffant, teinté d'érotisme et de violence, qui révèle un auteur de talent.

Le mieux est l’ennemi du bien, voilà la première pensée qui m’est venue à l’esprit à la vue de l’illustration de Ténèbre, le premier roman de Paul Kawczak, édité chez J’ai lu. Car une fois n’est pas coutume, c’est à une couverture ratée que cette chronique est consacrée ce mois-ci. Non que ce fut un choix délibéré dès le départ - j’ai trop de respect pour la chose littéraire pour me laisser aller sciemment au dénigrement - mais l’image proposée est un tel enchevêtrement d’éléments biscornus qu’elle en devient captivante.

TénèbrePour nous allécher, l’éditeur a imaginé un mille-feuilles où se superposent pas moins de cinq couches d'informations : la reproduction habilement découpée d’une carte géographique plantée au-dessus de ce que l’on devine être une forêt vierge ; un fleuve grossièrement maquillé en serpent qui ondule à travers la jungle et sur lequel navigue une embarcation maladroitement posée là sans aucun respect pour l’échelle du dessin ; le tout surplombé d’un titre apposé en diagonale et écrit avec une typo en volume…

Une plongée au cœur des affres de la colonisation.

Avouons-le, la gâterie se révèle pour le moins indigeste. À tel point que l’on est en droit de se demander quelle mouche a piqué l’auteur de cette création. À vouloir trop en faire, il ampute l’image de ce qui, en temps normal, en ferait son principal atout : sa puissance évocatrice. La seule vertu de la couverture de Ténèbre réside dans le fait qu'elle plante clairement le décor. Ce que  propose Paul Kawczak, c’est un récit d’aventures. Et prometteur, par dessus le marché : en 1890, désireux de mettre un terme aux chicanes frontalières qui opposent les grands pays colonisateurs en Afrique Équatoriale, le roi des Belges Léopold II confie à un jeune géomètre, Pierre Claes, la mission de matérialiser, à même les terres sauvages, le tracé exact de ce que l’Europe nomme alors le "progrès" : la frontière nord du Congo.