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Dans la légende des bureaux

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Qu'on se le dise, le roman d'espionnage n'est pas l'apanage des anglo-saxons. La France possède elle aussi des auteurs de talent capables de signer des récits de qualité, captivants, documentés, en prise sur l’actualité. Victor K. et Cédric Bannel sont de ceux-là. Loin du vieux cliché des barbouzes aux mains sales si souvent accolé aux espions hexagonaux, ils donnent vie à des personnages plus vrais que nature. Et pour cause : l’un a longtemps appartenu aux services de renseignement français, l’autre les a côtoyés de près. Tous deux ont l’ambition de distraire le lecteur, de le faire vibrer, mais pas à n’importe quel prix. Leurs artifices romanesques habillent des portraits crédibles, des situations plausibles, des méthodes avérées et peut-être des scènes vécues, comme ils nous l’ont confié l’un et l’autre, en toute discrétion.

Expert en doubles vies, Victor K. lance sa série « Service Action » sous un pseudonyme, afin de compartimenter une existence d’écrivain déjà bien remplie. « J’ai travaillé pour la direction des opérations de la DGSE au sein du service Missions, celui des agents clandestins qui a pour objet de recueillir le renseignement sur des zones de crise et d’apporter un support aux mouvements que la France aide clandestinement. Or, cette nouvelle série repose sur des péripéties que je n’ai pas vécues personnellement. »

Code SierraDu titre à la jaquette, « Cible Sierra » sent un peu son Gérard De Villiers. Une filiation assumée par l’auteur car le père de SAS, informé aux meilleures sources, basait ses livres sur des faits vrais, des confidences, d’authentiques dossiers secrets. Et ici, le réalisme s’impose dès les premières pages. On est d’emblée plongé en compagnie du Lieutenant-colonel Coralie Desnoyers, dos au vide en pleine ascension des Grandes Jorasses un jour de détente. Avec elle aussi, un jour et un chapitre plus loin, sur le toit d’un immeuble de Beyrouth, quand cette tireuse d’élite des chasseurs alpins élimine deux djihadistes prêts à assassiner le président français, en visite après la terrible explosion d’août 2020.

Reconnaissant envers cette trentenaire surentraînée qui lui a sauvé la vie, le chef de l’Etat va la propulser à la tête du bras armé de la DGSE, le Service Action, fragilisé par une série de drames et d’échecs, et jalousé par d’autres unités d’élite. Rien d’un cadeau… Une intrigue que Victor K. a échafaudée sans avoir trop à enquêter. Hormis un sniper de la maison qu’il a sondé sur sa technique, ses vingt ans de « boîte » et ses dix officiers traitants issus du « SA » lui ont suffi. Structures, codes, rites, langage, il est à l’aise. En s’imposant une limite : ne rien écrire qui puisse compromettre une mission ou un agent sur le terrain. L’état-major de « Mortier » - la caserne où logent les services - n’a pas tiqué. « La DGSE a forcément intercepté mon manuscrit, ce serait une faute de sécurité si elle ne le faisait pas, sourit l’auteur, il est normal qu’elle soit vigilante sur les publications d’auteurs ayant travaillé pour elle ».

Victor K. s'affranchit des tabous en plaçant une femme à la tête du Service Action de la DGSE