Cette semaine, Frédéric Potier est (un peu) en colère… Et il nous le fait savoir. “Ce n’est plus un gouvernement, c’est la grande librairie”, écrit-il…avant de nous parler des livres des ministres. Au vitriol.
Chers amis, vous avez probablement vu débarquer sur les étalages de votre librairie préférée un débarquement d’ouvrages d’un style un peu particulier : les livres de ministres.
Pas moins de sept essais ou romans sont sur tables ou nous arrivent incessamment sous peu. Jean-Michel Blanquer, Emmanuelle Wargon, Olivia Gregoire, Marlène Schiappa, Sarah El Hairy, Adrien Taquet, Sophie Cluzel… et j’en oublie sûrement. Au secours ! Ça tombe comme à Gravelotte ! Une vraie pandémie automnale.
Ce n’est plus un gouvernement, c’est la grande librairie. Ce n’est plus un exécutif, c’est un vaste atelier d’écriture me disait avec dépit et exaspération un ministre – qui restera anonyme – mais dont les cernes trahissaient les heures passées à compiler les dossiers plus qu’à grattouiller au bic quelques lignes insipides !
Pour être parfaitement honnête, ce n’est une nouveauté. Sous le précédent quinquennat, nombreux furent les sous-ministres à penser que leur pensée méritait d’être couchée sur le papier.
“Si vous tenez à l’environnement, arrêtez d’écrire”
Que les ministres souhaitent exposer leur “vision” de leur portefeuille, rien de scandaleux à cela, mais pourquoi donc s’acharner à faire un livre ? Radio, télé, réseaux sociaux, discours publics, notes, rapports, circulaires… ils n’ont que l’embarras du choix. Mais en France, pays d’écrivains plus que de lecteurs, tenir la plume est une activité noble, un passage obligé pour être sérieux et espérer survivre en politique.
Mais, hélas, tous les ministres ne disposent pas des mêmes qualités littéraires. Et une armée de jeunes plumes sorties de Normale Sup n’y pourra rien changer. Il faudrait avoir le courage de leur dire aux ministres : “non c’est gentil, mais une petite bafouille de 100 pages ne vous sauvera pas au prochain remaniement”. Ou encore “vraiment, si vous tenez à l’environnement, s’il vous plaît, arrêtez d’écrire… pensez à tous ces arbres… à tout ce papier qui va finir au pilon”.
D’autant qu’en plus tout cela va susciter des jalousies dignes de cour de récréation… “moi j’ai une préface de Macron… et pas toi… loser !”. Remarquez qu’on imagine très bien Jean Castex faire le CPE avec sa grosse voix rocailleuse “On arrête de copier sur son voisin ! Roselyne, on a dit pas de littérature érotique pendant la classe !”.
Alors que le musée consacré à l’Affaire Dreyfus va ouvrir à Médan (Yvelines) à proximité de la maison Zola, il y aurait un “J’accuse” à écrire.
Du genre :
“J’accuse de détournement de fonds publics les cabinets ministériels dont les membres sont occupés – grâce à nos impôts – à écrire des navets.
J’accuse de trahison les journalistes politiques qui rendent compte avec complaisance de ces documents sans intérêt dans l’espoir de se rapprocher du pouvoir et de glaner un scoop.
J’accuse de négligence les éditeurs qui laissent passer des titres aussi plats que “la force des différences”, “Envie de France” ou “À nos enfants”. On se croirait dans un mauvais téléfilm sur France 3 consacré à une élection cantonale dans le Limousin.”
A noter cependant une exception : Bruno Le Maire qui joue depuis longtemps hors catégorie avec des ouvrages singuliers, personnels et une très belle plume. Je vous conseille notamment le remarquable “Des hommes d’État” sorti en 2007 chez Grasset, ouvrage dans lequel BLM dresse un portrait féroce de la relation compliquée entre Sarkozy, Chirac et Dominique de Villepin.
Dernière remarque pour conclure ce jeu de massacre : on ose espérer que les droits d’auteurs seront tous reversés à des associations ou fondations reconnues d’utilité publique… À bon entendeur, salut.
Tous les essais transformés d’Ernest sont là